Qui m'a fait écrire du populo ?

Publié le par Zaroff

 

Quelle fut votre influence majeure pour écrire de la littérature populaire ? Pour ma part, ce fut le personnage de Bob Saint-Clar, interprété par Belmondo dans "Le Magnifique". Ce film peut sembler débile ou stupide mais il m'a profondément marqué. Le métier d'auteur est caricaturé en quelques signes distincts : - misère financière - misère affective - éditeur véreux - appartement sordide - matériel obsolète

L'écrivain François Merlin est intéressant. Son univers est gris, pluvieux et morose. Tout se détraque dans son logement : la plomberie est foireuse, l'électricité est dangereuse, la pluie gifle les vitres, la voiture rend l'âme (un agent de police se résigne à ne pas donner de PV lorsque l'essuie-glace lui reste dans les mains). Le personnage de l'agent secret Saint-Clar est l'exact opposé : soleil, bronzage, belles femmes, bagarres, dents éclatantes... Pour travailler, Merlin se sert de photographies, prospectus et plans. Tandis que son éditeur se paye de vrais voyages aux destinations paradisiaques. Merlin est divorcé et écrit pour payer la pension alimentaire. Son fils vient manger une fois dans la semaine. Le frigo est vide. L'écrivain est symbolisé comme un forçat, devant taper 80 feuillets dans le week-end, avec une machine à écrire qui ne frappe plus les "R". Il doit écrire vite "sans se relire", surtout pas ! Durant ce temps, son éditeur va en soirée, fume du shit et se pavane. L'éditeur devient l'affreux colonel Karpof, ennemi juré de Saint-Clar. Le mimétisme entre la réalité et la fiction devient un leitmotiv pour le pauvre Merlin. Une sociologue tente de comprendre le phénomène de cette culture populaire... mais Merlin ricane en lui disant : "Tout le monde s'en fout de votre thèse"... avant de se prendre une baffe.

C'est en voyant ce film que je me suis dit un jour : "Putain, j'ai envie de ça !" Merlin prouve aussi qu'écrire est inutile. Il jette tout son manuscrit par la fenêtre à la fin du film. Il veut vivre. C'est formidablement résumé. Contenter le lectorat populaire est fastidieux et vain. Mais on doit le faire.

Vive Saint-Clar et Super Crime Club. Je lui dois beaucoup.

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