Dimension Trash

Publié le par Zaroff

 

Dimension TRASH, un vaste recueil de vingt récits dédié à la mémoire de Daniel Riche et Pascal Marignac. Couverture RanXeroxienne de Willy Favre, illustrations intérieures par Maniak et préface de David Didelot où les passerelles reliant GORE, Rivière Blanche et TRASH sont détaillées avec passion et sincérité.

Christian Vilà démarre fort avec SPLASH ! Le ton employé rappelle celui de Jean Viluber et son « Décharges », mélangé à un semblant de « Street Trash » et « Les parasites de la haine » de Childer. Regroupez une invasion parasitaire venue de l'espace, un trio de zonards vivant sur les berges de la Seine, ébats sexuels incestueux... et vous obtiendrez un récit sordide, une caricature sociale perverse et un aspect SF digne d'un « Creepshow » gore et porno. C'est abouti, maîtrisé et formidablement visuel.

Adolf Marx n'est pas un type fréquentable. Avec son Épilogue du « Vivre ensemble », il répond au terrifiant « Lumpen » de Janus (tome 13 chez TRASH). On y retrouve le sale nègre tueur de vieilles et son acolyte tueur de DRH, détenus en cellule. Un troisième larron va subir les foudres destructrices des deux tordus. C'est dégueulasse, c'est vil, c'est horrible. Macabre tableau d'une société en dérive où chacun se meut avec le masque de l'égocentrisme.

Avec François Darnaudet et ses Femmes, plantes et autres machines cruelles, on bascule dans un monde tendance Métal Hurlant (illustré par Manara, ce serait formidable), sorte de rite initiatique d'un jeune homme qui traverse un univers où les hommes sont traits avec des machines et des grosses mamas. Puis ce sont les geigneuses, le carrefour à cinq branches, les plantes carnivores et un Wang qui se fait prendre au piège sensuel d'une paire de fesses végétale. Et on retombe dans le monde réel par un terre-plein qu'il ne faut guère accoster.

Le vieux briscard Brice Tarvel nous délivre un récit incroyable, Kotok, qui m'a rappelé le thème des « Souris et des hommes » de Steinbeck. Sauf que le colosse Lennie Small devient Kotok, un évadé de Sibérie, tueur et homo, qui se retrouve en France, après avoir traversé de nombreuses frontières. Il prend en stop une fillette nommée Grubiche. Va-t-il en faire son dessert ? Il va vite se rendre compte de son erreur. Surtout lorsque le cadavre du pépé de Grubiche est exposé sur une table. Le mythe de Frankenstein n'est pas loin dans ce sombre traquenard. Bravo monsieur Tarvel, il fallait y penser. Du grand art. Et quelle prose !

Texte troublant que celui de Cancereugène. Descente d'organes possède, à mon sens, plusieurs niveaux de compréhension. Est-ce l'enfer venant sur terre ? Est-ce la vision foudroyante et morbide d'un fœtus en développement ? Est-ce l'incarnation d'un cannibalisme incestueux et matricide ? À vous de vous faire votre propre opinion. C'est quasiment du Siébert. Donc un compliment.

On arrive (enfin) à mon auteur favori, le fabuleux Julien Heylbroeck. Même si il adore bouffer des légumes en se caressant le torse, c'est un type qui gagne à être connu. C'est donc avec une joie non contenue que je me suis plongé dans son Junkfood Rampage en foutant mes gamins jouer dehors avec les chiens, tandis que ma femme était tenue de passer l'aspirateur à l'étage. Magnifique ! Emballé comme jamais. USA, hiver nucléaire 89. Un vieil homme, Old Timer, se bat pour conserver ses livres entassés dans son repaire envahi par les rats. Le danger est aussi dehors avec les rares humains qui rodent dans les ruines. Petit hommage assumé à Lansdale et ses enfants du rasoir.

Romain d'Huissier évolue magistralement dans l'univers oriental. Avec sa Veuve écarlate, il brosse un huis clos intense et érotique, un peu à la manière de « L'empire des sens » sous fond d'immortalité. Écriture soignée et percutante.

Votre serviteur Zaroff (moi-même pour ceux qui n'ont pas suivi) détaille le mode zombies en huit histoires courtes. Zomb's short a été remanié par l'un des deux anthologistes de ce recueil et le résultat forme une palette réaliste sur ce thème fortement éculé. Ceci prouve qu'on peut toujours innover dans ce milieu avec un minimum d'imagination.

Sarah Buschmann est la jeunette de l'équipe. Remarquée depuis longtemps sur le forum de l'Écritoire des Ombres, elle est parvenue (à coups de griffes et d'ongles) à se faufiler parmi nous avec brio. Tranche de nuit relate la confrontation entre une pute droguée et un tueur sauvage. Elle luttera pour sa survie avec acharnement. Mais un appel téléphonique changera le cours de son destin. Une belle réussite. Style sec et accrocheur. Et un final glauque.

Gilles Bergal nous concocte un court récit mêlant zombies, faim lancinante et rats avec sa Nouvelle vie. La chute est savoureuse. C'est cynique, drôle et percutant. En plus d'être un romancier reconnu, c'est un sacré nouvelliste.

Est-il besoin de présenter Robert Darvel, le patron du Carnoplaste ? Son récit Killing Joe d'Amato est éprouvant, crapuleux et surtout original. Une sorte de fan-fiction mettant en scène le réalisateur d' « Anthropophagous » et l'auteure E.L James de « 50 nuances de grey ». Le thème du snuff dévie forcément dans une sauvagerie morbide. Cette confrontation impossible devient crédible sous la plume sanglante de Robert. Beurk !

Patrice Lamare donne souvent dans le théâtral. Les décors sont toujours soignés et ses galeries des horreurs sont une source d'inspiration pour les auteurs du genre. Allegro ma non troppo rend hommage aux créatures fantastiques (la Hammer n'est pas loin) contemplant un sacrifice orgiaque. L'assemblée composée de freaks se gargarise de ce macabre spectacle. Sorte de Club Monster revisité par Tod Browning. C'est délicieux en bouche.

Artikel Unbekannt & Schweinhund et ses multiples personnalités névrotiques. Huit récits forment White Trash. Textes sodomites et cruels souvent teintés de démences freudiennes. Mais ce sont aussi des hommages assumés à GORE et TRASH, famille indissociable dans l'univers de l'auteur et de son importance dans la construction sensorielle et intellectuelle de l'écrivain.

Catherine Robert n'a jamais été aussi proche de Gudule avec Je suis méchante. Vengeances d'une fillette envers des gamins de sa classe et de ses parents que tout oppose. Le machiavélisme de cette gamine est brossé avec talent et la chute judicieusement posée en deux phrases conclut ce récit d'une manière efficace. En gros, c'est parfait.

Guy Kermen est un sale mec. Encore plus avec cette tendre bluette Gloriole au glory hole. Les personnages sont vils et demeurés. Un bar de routiers, une femme qui se rend aux toilettes... et ça part en couilles.

Vaut mieux ne pas croiser Corvis entre minuit et une heure du matin. Sauf si vous avez Une heure à tuer. Bonne tranche de torture-porn où rien ne vous sera épargné. Un homme attaché et son bourreau. Soumission, délire mental, crescendo dans la cruauté. Bref, on ne voudrait pas être à la place de ce mec qui va en prendre plein la gueule. Et pour notre plus grand plaisir évidemment !

Kriss Vilà nous offre un second texte dans ce recueil avec Éventration d'une grenouille. Banlieue post-communiste dégueulasse, cités HLM. Un homme, gestionnaire des ordures ménagères, trône sur son petit monde de trafics. Il chope une gitane fouillant dans ses poubelles. Un style rappelant Houssin ou encore Andrevon. Forcément, ça va très mal se terminer.

Charles Nécrorian est mon mentor. Dans cette nouvelle SF, on y retrouve les hommes de verre de « Djinns ». C'est d'une poésie rare. L'intensité d'un récit de Matheson couplée avec la grandiloquence d'un Bradbury. Les immortels plairont sûrement aux admirateurs des « Chroniques Martiennes ».

Ce que j' adore chez Nelly Chadour, c'est sa facilité à explorer des univers historiques dans un ton cohérent et imaginatif. Un bourreau impérial de la Rome antique traque les chrétiens pour assouvir ses pulsions sexuelles et respecter son rang de rédempteur. Sacré gril est sans doute mon récit préféré de ce recueil.

On termine cette anthologie avec un texte désespérant et qui nous rappelle notre existence précaire, malgré notre penchant à nous croire immortels. Christophe Siébert tape fort en relatant la lente décomposition de La vieille. Et encore mieux lorsque les souvenirs d'une vie passée entrecoupent les détails de la putréfaction.

En guise de gourmandise, Sandy Foulon (l'administrateur du forum ULTRAGORE) chronique les douze premiers titres de TRASH. Un grand merci pour tous les contributeurs de ce recueil. Ce fut un moment magique, une fierté et un formidable élan pour les bâtards de Gore que nous sommes.

Se procurer le recueil chez Rivière Blanche.

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C
Et tu n 'es pas le seul à avoir tout aimé. Je pensais d'ailleurs avoir répondu, mais bon, des fois je fais pas des choses que je crois avoir fait.<br /> Et très chouette article cela va sans dire.
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Z
N'empêche les gars, c'est un foutu bon recueil. Rien à dire de plus. J'ai tout aimé. Du début à la fin.
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S
C'est vrai que c'est un chouette article.Mais je ne comprends pas le passage où le monsieur parle de mes "multiples personnalités névrotiques" :)
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A
Sacré Zaroff. Non seulement c'est un sacré bon nouvelliste, mais en plus il se paye le luxe d'être un chroniqueur épatant. Fumier.
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L
Quelle belle chronique. Pour un peu, je serais jaloux.<br /> Mais la jalousie, c'est moche. Alors bravo, m'sieur le Comte. Et merci.
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J
Merci beaucoup, ça fait super plaisir de lire ça :)<br /> Mais j'ai également vraiment aimé ta participation et même celle de ce bon vieux Guy K.
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