Les solitudes de l'ours blanc - Thierry Di Rollo

Publié le par Léonox

 

 

 

 

 

 

Sous la glace : Les solitudes de l’ours blanc, de Thierry Di Rollo.

 

 

 

 

 

 

 

Thierry Di Rollo est un auteur aussi passionnant qu’éclectique. Depuis ses premières publications à la fin des années 80, il n’a jamais cessé de varier les plaisirs, dans le fond comme dans la forme. De la nouvelle au roman, du cycle au one-shot, de la SF au Polar, de la Fantasy au Post-Apo, l’homme a toujours déjoué toutes les attentes, préférant explorer d’autres directions plutôt que de se laisser enfermer dans une case, quelle qu’elle soit. En résulte une trajectoire singulière, mais aussi une bibliographie aussi dense que variée, harmonieusement répartie entre des revues comme Imagine ou Bifrost pour les nouvelles et des éditeurs tels le Bélial, Folio SF, la Série Noire et Actusf – avec, justement, ces Solitudes de l’ours blanc.

 

Un titre bien mystérieux, qui trouve son explication dans les méandres d’une psychologie quelque peu tourmentée. Celle de Marc Sisley. Du moins est-ce là le nom qu’il donne à Durieux. Cet homme qu’il s’apprête à abattre froidement en pleine nuit dans la forêt. Rien de personnel ; il s’agit d’un contrat. C’est son travail, à Sisley. Mais pour ce type de travail, mieux vaut éviter les témoins. Or cette nuit-là, il y a un imprévu. Un petit grain de sable qui va venir enrayer la belle mécanique glacée du tueur. Un grain de sable, voire plus car affinités. En effet, Sisley est surveillé par Reval, l’homme de main de son commanditaire. L’enjeu dépasse désormais le strict cadre du contrat. Si le tueur veut lui-même survivre, il doit « régler son problème ».

 

Les solitudes de l’ours blanc est découpé en cinq parties, qui correspondent à autant de changements de points de vue. Douze ans se sont écoulés depuis les faits relatés dans le premier acte, et le tueur a disparu. Mais douze ans, aux yeux de Jenny Erin, ça ne signifie rien. La vie de la jeune femme a changé du tout au tout cette nuit-là, et pour elle, le temps s’est arrêté. Depuis lors, entièrement tendue vers son objectif, Jenny pense à Marc Sisley. Elle a d’excellentes raisons de vouloir le retrouver, et elle s’est donné les moyens de ses ambitions.

 

En attendant que le passé vienne retourner le présent comme un gant, la troisième partie est consacrée au tueur. L’homme s’est enfui très loin, au-delà de l’océan. Il en a profité pour retrouver son vrai nom – Marc Clouzeau. Mais il n’a pas pour autant changé de vie. Il travaille désormais pour son vieil ami Luke Moore. Ou du moins il essaie de s’acquitter des missions que lui confie encore ce dernier. Ce qui est de plus en plus difficile, car Clouzeau est rongé par l’alcool. Il n’a jamais oublié la fameuse nuit.

 

Après une nouvelle affaire qui vire au carnage, Marc se présente devant Luke la queue basse. Ce dernier lui parle quand même d’un autre boulot. Toutefois, il prévient son complice qu’il ne sera pas payé : c’est sa dernière chance. Un quitte ou double. Un contrat sur lequel il ne sera pas seul. Il sera accompagné par une certaine… Jenny. Ainsi la boucle est-t-elle bouclée, dans un ultime face-à-face cauchemardesque où les fantômes du passé viendront eux-mêmes réclamer leur tribut. L’ours est plus seul que jamais sur sa banquise, surtout après avoir vu son reflet déformé dans la glace fondue.

 

Les solitudes de l’ours blanc est un roman hanté par une absence beaucoup trop présente. Grâce à des intermèdes douloureux liant l’ensemble du récit de façon inextricable, Thierry Di Rollo tisse une toile aussi serrée qu’un nœud coulant autour du cou d’un condamné à mort. Alors, on se souvient que l’auteur a été publié dans la Série Noire. Et on comprend pourquoi.

 

 

 

Chronique initialement publiée dans La Tête En Noir n° 204, mai / juin 2020.

 

 

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