Lykaia - DOA

Publié le par Léonox

 

 

 

 

 

Par-delà le bien et le mal : Lykaia, de DOA.

 

 

 

 

« Accord parental souhaitable », « Contenu explicite », « Pour lecteurs avertis », « Réservé aux adultes consentants », « Interdit aux moins de 18 ans » : si le monde de la littérature utilisait ces slogans en forme de mises en garde qu’on trouve sur certains disques ou DVD, nul doute que la couverture de Lykaia aurait pu en être intégralement recouverte.

 

Autant être clair d’emblée : ce dernier roman de DOA n’entretient guère de rapport avec son célèbre Cycle clandestin, même si les territoires explorés ici s’avèrent tout aussi dangereux. L’auteur offre en effet dans ce livre une plongée vertigineuse dans le monde trouble du BDSM – autrement dit du Bondage, Discipline, Sado-Masochisme. Un univers souvent présenté de façon caricaturale et superficielle dans certains magazines de mode en mal de glamour. Mais ce fétichisme de pacotille ne correspond qu’à la partie émergée de l’iceberg. Et ce qui intéresse DOA se trouve caché loin sous la surface, pour le plaisir des uns et la douleur des autres…

 

Dans la Grèce antique, les lykaia étaient une fête archaïque qui se déroulait sur le mont Lykaion (« la montagne du loup ») – ou mont Lycée, le plus haut sommet d'Arcadie. Il s’agissait d’un rite de passage fondé sur la pratique du cannibalisme. L’un de ses objectifs était la transformation d’un éphèbe participant à la cérémonie en loup-garou. Also sprach Wikipédia, mais pas seulement. En effet, cet épouvantable roman de DOA coche presque toutes les cases.

 

On y trouve des rites de passage, des transformations et… un loup. Un loup qui hurle à la lune à chaque fois que son passé vient le tourmenter. Un loup pour dissimuler un visage ravagé. Un loup comme une seconde peau, au point de devenir un véritable alter ego. Le Loup. C’est lui qu’on sollicite pour des interventions spéciales dans des circonstances qui ne le sont pas moins. Un loup solitaire, comme il se doit, qui trouve un semblant d’équilibre en évoluant dans des lieux interlopes où il n’est qu’un masque parmi d’autres. Mais le Loup n’en est pas moins resté homme, et sa rencontre avec la Fille va changer les règles du jeu.

 

De Berlin à Venise, en passant par Prague et le Luxembourg, DOA nous convie à une véritable descente aux enfers, et transforme le lecteur en voyeur partagé entre attraction et répulsion. Impossible en tout cas de rester de marbre face à ce catalogue ininterrompu de supplices plus ou moins consentis et de paraphilies toutes aussi déviantes les unes que les autres. De dominant à dominé, le Loup et la Fille brouillent la notion de consentement en inversant les rôles, prisonniers volontaires d’une surenchère qu’aucun des deux n’entend interrompre.

 

Les deux amants s’abandonnent ainsi, seuls ou accompagnés, à une fuite en avant frénétique, consumés par le désir, la rage et les drogues. Mais ni l’un ni l’autre ne sont aussi seuls qu’ils le voudraient. Tous deux ont un passé, dont ils n’ont pas vraiment fait table rase. Malgré leur extrême prudence, ils ont laissé des traces. Reste à savoir qui veut leur passer les menottes : entre la police et le monde du BDSM extrême, la frontière est parfois floue…

 

Lykaia n’est donc ni un Polar ni un Thriller, mais plutôt une espèce d’hybride monstrueux entre le roman noir et l’horreur pure, entre la pornographie et… la chirurgie. C’est bien simple : avec ce livre, DOA ne s’interdit absolument rien, et prend au contraire un malin plaisir à braver les pires tabous et à repousser toutes les limites. Le résultat, à situer quelque part entre les écrits les plus choquants du divin Marquis et le brutal MurderProd, de Kriss Vilà, est aussi fascinant que terrifiant. Une expérience littéraire assez unique par conséquent, que je conseillerai autant à mes amis qu’à mes ennemis – mais pas pour les mêmes raisons. Oserez-vous franchir le pas ?

 

 

 

Chronique initialement publiée dans La Tête En Noir n° 205, juillet / août 2020.

 

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