Sorcière de chair - Sarah Buschmann

Publié le par Lester

 

 

 

 

Sorcière de Chair, de Sarah Buschmann. Noir d'Absinthe.

 

 

 

 

 

 

Présentation de l’éditeur :

 

 

 

Australie, 2016.

Sept ans après un massacre qui a décimé toute une famille, de nouveaux meurtres surviennent à Melbourne. Des homicides si sordides que la Sorcellerie de Chair, taboue depuis les grandes chasses qui ont déchiré le pays, est évoquée.
Pour Arabella Malvo, lieutenant de la brigade criminelle, ils s’avèrent particulièrement déstabilisants. Pourquoi les victimes lui ressemblent-elles comme des sœurs ? Le meurtrier la connaît-elle ? Pourquoi maintenant ?
Une chose est sûre : l'abîme qu’elle fuit depuis toutes ces années risque de s’ouvrir à nouveau sous ses pieds. Et cette fois, de l’engloutir pour de bon…

 

 

 

Sarah Buschmann est une jeune autrice, et « Sorcière de Chair » est son premier roman, publié après plusieurs participations remarquées dans diverses anthologies et recueils, D'une lecture agréable, grâce à un style direct et sans fioriture inutile, ce roman fantastique se déroule dans un cadre dépaysant, puisque l'action se situe en Australie, de nos jours. J'ai apprécié ce voyage agrémenté de descriptions vivantes des grandes villes de cette île-continent, ce qui nous change des sempiternels romans de « terreur » des auteurs américains, invariablement situés en Nouvelle-Angleterre (King), ou bien en Californie (Koontz). Construite comme un roman noir, l'histoire nous fait partager l'enquête d'une jeune policière à propos de meurtres atroces commis par ce qui semble être une sorcière. Au fil des pages, on découvre qu'Arabella Calvo est un personnage plus complexe qu'il n'y paraît, et que le rôle qu'elle joue cache un lourd secret...

 

 

Afin de ne pas déflorer l'intrigue (avouez que ce terme est plus élégant que « spoiler ») je ne m'étendrai pas sur les multiples rebondissements et coups de théâtre qui parsèment ce roman. Au lecteur curieux de découvrir qui sont vraiment les protagonistes, et quelles sont leurs motivations profondes. Sarah Buschmann a sans doute lu avec profit des auteurs confirmés du genre, comme Dean Ray Koontz, lui aussi grand spécialiste des portraits de flics traînant un lourd passé, et de personnages ambigus, voire malsains. Les scènes d'enquête sont décrites avec beaucoup de professionnalisme, au point que j'ai ressenti l'impression d'assister à un épisode d'une des séries qui saturent nos chaînes de télévision, entre deux publicités : interrogatoires de suspects, visite chez le légiste à la morgue, planques et filatures, et l'inévitable discours technique sur l'ADN et ses facéties. Ces passages obligés font partie du genre, et c'est très bien maîtrisé. À noter aussi que l'autrice est très à l'aise avec les scènes d'action, et qu'elle n'hésite pas à nous dépeindre des scènes d'horreur sanguinolente avec pertinence et détachement, dénotant un talent certain pour le « gore ».

 

 

Le seul reproche que je ferai à ce livre, et c'est un avis très personnel, concerne le postulat de départ. Sarah Buschmann nous dépeint un monde (en particulier l'Australie) où une nouvelle espèce humaine est apparue, les sorcières. Capables de posséder littéralement un humain normal par simple contact, puis de téléguider cet individu pour lui faire commettre des actes abominables, ces sorcières se sont rendues coupables de terribles crimes dans un passé récent, et sont depuis traquées par un corps de police spécialisé, qui les parque dans une mystérieuse prison au fond du désert, sorte de Guantánamo à l'usage du surnaturel. Avec habileté et conviction, l'autrice rationalise le mythe, un peu comme Dan Simmons dans « L'Échiquier du Mal », et nous explique que les sorcières nouvelle manière sont capable, par simple attouchement, de prendre le contrôle des connexions neuronales de leurs victimes, de faire des nœuds avec leurs synapses, afin d'obtenir de parfaites marionnettes humaines. Pourquoi pas ? La littérature fantastique est pleine de ces théories d'allure scientifique, qui font les délices des amateurs.

 

 

Là où je reste plus réservé, c'est quand le monde que nous décrit Sarah Buschmann est le même que celui que nous connaissons, alors que je pense que la révélation de l'existence de ces êtres mutants aurait dû bouleverser le monde entier, à commencer par les gouvernements et la communauté scientifique. Les premiers auraient dû vouloir s'emparer des sorcières afin d'en faire des armes d'espionnage et de manipulation très performantes, La seconde se serait vue obligée de réviser entièrement son paradigme, qui veut que le surnaturel et le paranormal n'existent que dans l'imagination déréglée des auteurs et des lecteurs de « mauvais genres ». Or, le monde que nous dépeint l'autrice est celui que nous côtoyons tous les jours, aucun changement ne l'a bouleversé à l'annonce de l'existence des sorcières...

 

 

Hormis ce bémol qui a mis à mal ma « suspension consentie à l'incrédulité », qui est, je l'avoue humblement, assez faible, « Sorcière de Chair » est un roman agréable à lire, dont l'écriture et le découpage révèlent une grande maturité chez son autrice, et que je recommande à tout lecteur curieux de découvrir l'« urban fantasy ».

 

 

 

Commenter cet article