Violences 7
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J'avais découvert à l'époque l'excellente revue Violences via le précédent numéro qui m'avait bien scotché, puisqu’il s'apparentait à une autopsie des pires névroses, pulsions ou tourments que l'être humain peut s'infliger, présentant en miroir l'écho vomitif que lui en renvoie parfois la société. Quelque chose de cru et de viscéral, mais qui renfermait aussi une part de poésie – parfois confinant au sublime, parfois plus tristement contemporaine ou macabre –, qui m'avait beaucoup secoué et permis de découvrir quantité de plumes à suivre.
J'ai retrouvé dans cette dernière parution les mêmes qualités, bien que certains des auteurs aient entre-temps joué aux chaises musicales. En revanche, si le trait est toujours aussi rude, j'ai découvert dans ce volume une approche plus déstructurée et « versatile » encore dans les genres ou sous-genres abordés. Une petite touche de SF tordue par-ci, un brin de proto-dystopie dégueulasse et bien barrée par-là, mais toujours avec ce côté « fist in your mouth » revendiqué et assumé jusqu'au bout des ongles. La poésie noire est elle aussi toujours au rendez-vous, comme pour faire mentir les pseudo critiques-scribouillards du dimanche préférant s'imaginer que les auteurs « trash » ne possèdent aucune forme de sensibilité littéraire sous leurs dehors de sales gosses. Un préjugé démenti fort à propos par les contributeurs et contributrices ici présents, qui présentent toutes les nuances du noir ou du violent, chacun avec ses forces et son style propres, mais avec un même talent à l'état brut.
La déconstruction métaphorique/charnelle de Claire Von Corda répond ainsi aux Prensées robotico-sociétales de Mathias Richard, tandis que la palpitante et cryptique théâtralité de Yoann Sarat (l'un de mes textes coups de cœur, encore une fois) renvoie à la répétition heurtée, malade et surréaliste du bien-nommé Beurklaid. Je citerai aussi les coups de boule de l'énergumène Zaroff, qui bastonne les conventions à tout-va avec son sens toujours bienvenu de la répartie, ainsi que la désespérance sociale de Noban confinant à la folie pure, et la diatribe/boucle consumériste angoissée-retournée-inversée en boucle (jouissive) de Michel Meyer, etc. Au rayon des découvertes, j'ai eu un énorme « kiff » pour le Massacre au Gigadrome d'Arvo Steinberg : une plume bien trempée aux relents d'Interzone qui m'ont rappelé les délires les plus perchés d'un Burroughs en mode hyper-trash et complètement halluciné. Une véritable merveille. Quant à l'horreur Siébertienne, je préfère la taire plutôt qu'en faire la louange (pourtant méritée), de peur que le lascar n'y voie une incitation à continuer ses accablantes Chroniques de Mertvecrgorod…
Bref, il y a tant de richesse dans ce Violences septième du nom qu'on ne sait plus vraiment où donner de la tête. En tout cas, il est certain qu’il y a du talent à revendre ! Bien que la forme m'ait paru ici plus travaillée encore que dans le précédent numéro, chaque récit possédant sa propre voix, le fond n'est jamais mis de côté, bien au contraire : les textes nous immergent dans la déliquescence de notre monde voué à une autodestruction programmée et accélérée, par tous les biais possibles – et les pires, de préférence. Une vision noire à l'extrême qui selon les tempéraments peut donner à réfléchir ou l’envie de se tirer une balle en pleine tête.
Mais tant qu'il y aura des fines plumes telles que celles compilées ici pour en rendre compte, la chute dans le gouffre nous paraîtra toujours moins abrupte. Tel un inespéré rayon de Ssoloeil au milieu des ténèbres... Merci donc à Luna et ses sinistres compagnons d'armes de nous redonner un brin d'espoir : tout n'est peut-être pas encore (complètement) foutu ?
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