Le dieu sans nom - Serge Rollet
Un petit mot, tout d'abord, sur la novella Le Dieu Sans Nom, qui donne son titre au recueil : on y retrouve bien l'univers lovecraftien, mais réactualisé et doté d'une plume sans fioritures. Le tout est efficace, inspiré et sacrément accrocheur. Mélanger l'univers des Grands Anciens aux mythes précolombiens, il fallait le faire et pourtant, une fois la lecture commencée, ça coule de source. De même pour L'Ennemi Ancien et son excellente relecture du film Predator, ainsi que la délicieuse Ombre des Docks, tout en horreur « atmosphérique ».
Les influences et les références sont donc nombreuses dans ces trois récits, mais l'auteur n'oublie pas d'y mettre son grain de sel personnel et se les réapproprie grâce à son style en les intégrant dans un univers qui lui est propre. Même si chaque texte permet à Serge Rollet de dévoiler une facette différente, ce triptyque inaugural en forme d’hommage au maître de Providence constitue presque un mini-recueil à lui tout seul.
Les nouvelles suivantes, à la fois plus courtes et plus éclectiques, offrent un panaché allant du Fantastique à la SF, en passant par d'étranges vignettes qu'il serait bien difficile de ranger dans une case ou l'autre (je pense en particulier à L'Étranger, tout à fait passionnante en dépit de sa brièveté). J'ai adoré Baphomet également, qui distille une terreur sourde, tout en proposant là encore quelques clins d’œil savoureux (Le Comte d'Erlette, Abdul Alhazred).
Dans un registre différent, Conte de Poivrot m'a beaucoup amusé, et un sourire d'ironie glacé s'est dessiné sur mon visage à la lecture du Grand Tirage : du grand art que de suggérer tant de choses en si peu de mots, tout en jouant la carte d'un humour délicieusement noir.
Quant au très « beau » (ou « désespéré », selon l'angle d'approche du lecteur) Les Quatre Saisons de l'Apocalypse, il clôture l'ensemble avec classe, apportant des motifs nouveaux à un genre post-apo dont on croyait avoir tout vu ou tout lu. Très bon choix que celui d'avoir abordé le sujet sans s'engouffrer dans le nihilisme sans bornes d'autres récits du même genre. Au contraire, il y a quelque chose de très touchant et de fragile dans la chronique de cet homme désespérément seul. D'humain, tout simplement.
Un très bon recueil, donc, qui démontre aussi bien le talent de l'auteur que la diversité de sa plume. Je signalerai enfin la bonne tenue de la préface rédigée par Artikel Unbekannt (auteur lui aussi, mais également directeur d’ouvrages chez Rivière Blanche), qui donne l'envie irrésistible de dévorer les pages suivantes sans en déflorer la teneur.
Je ne lis qu’assez rarement des recueils de nouvelles, mais avec Le Dieu Sans Nom, j'en ai eu pour mon argent : c’est vraiment du beau boulot. Mission accomplie, donc, en ce qui me concerne, avec à la clé la volonté d'approfondir l’univers de Serge Rollet. Ce qui tombe bien, car je crois qu’il a depuis lors fait paraître un nouvel ouvrage chez Rivière Blanche…
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