Goanna massacre - Thierry Poncet

Publié le par Zaroff

 

 

 

 

 

 

Ce cinquième opus de Karnage m'a procuré un véritable plaisir de lecture. Certains affirment que ce roman n'est pas un gore pour de multiples causes. Et ils ont sans doute raison car il ne respecte pas forcément les codes du genre et les scènes traumatisantes sont presque inexistantes (si on excepte le massacre d'une petite fille). Mais quelle force dans ce récit ! On sent que l'auteur fut un baroudeur tant l'atmosphère poisseuse de l'Outback australien est formidablement décrite.

 

Jarra Creeks, État du Queensland, près de la frontière du Northern Territory. Une peuplade d'Aborigènes hébétés d'alcool forcée de cohabiter avec les Blancs, idiots et racistes. Les coutumes locales sont écœurantes de médiocrité crasse. Les habitants survivent dans une fournaise engluée de terre rouge avec l'unique espoir d'amasser assez de dollars pour se barrer à jamais de ce patelin perdu et oublié de la civilisation. Et leur seul moyen est de puiser dans les maigres pensions des sauvages en les abreuvant de bières bon marché à travers des lucarnes donnant sur l'extérieur. En effet, il est interdit à ces primitifs de se rendre à l'intérieur d'un bar et encore moins de côtoyer les Blancs. Et l'un deux brave les dominants en pénétrant dans un pub tenu par Vukan Bersikovic et sa femme Mila. Le Noir sera tabassé, torturé et laissé pour mort.

 

Alors Grandma Jackson va se venger en appelant le grand Goanna par un rite ancestral méconnu des Blancs. Ce varan énorme venu d'un autre âge va se multiplier et ne former qu'une légion de reptiliens avides de chair humaine et de canidés. Un but les anime : exterminer le village et tuer ces Blancs incultes, ignares et cruels.

 

Thierry Poncet nous plonge alors dans un scénario incroyable où la galerie des nombreux personnages donne un tempo cinématographique à l'ensemble. Pour ne pas vous mentir, j'ai entrevu du Tarantino chez cet écrivain. Les différents points de vue des protagonistes face à l'horreur qui se dessine. Voilà toute la magie de ce roman. On navigue entre plusieurs personnalités, du maître (le Kaiser) et ses habitudes de négrier au plouc homo qui se grime en cow-boy. Sans oublier des musiciennes lesbiennes en road-trip au policier autoritaire et droit dans ses bottes dont le seul souci est la parfaite régularité de ses chaussettes montantes. Mais tous ont un point commun : l'ignorance du pays où ils résident contre leur gré.

 

Il ne faut donc pas chercher une pure intrigue gore dans ce livre. Plutôt un tableau angoissant et crasseux d'un monde hostile où les croyances affrontent un semblant de civilisation dicté par des Blancs aux motivations douteuses. Je dois admettre que l'écriture est maîtrisée et l'intrigue d'une justesse implacable. Il faut donc apprécier ce roman pour l'atmosphère cradingue et la galerie des autochtones dégénérés se débattant dans un univers malsain et crapuleux. L'égoïsme des individus se mêlant à un racisme primaire. Le massacre surnaturel des goannas remet les pendules à l'heure. Mais pour combien de temps ? Les deux peuples sont en perte de repères dans ces terres arides. Oui vraiment, l'ombre de Tarantino plane sur cette épopée sauvage et fantastique. Thierry Poncet fait progresser la collection Karnage dans un style différent et ô combien magistral.

Commenter cet article