Je n’étais pas très portée sur les petits maris - Tampa Simoni
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De l’innocence des filles : Je n’étais pas très portée sur les petits maris, de Tampa Simoni.
Tampa Simoni, il y a encore un an, je savais pas du tout qui c’était. Jusqu’à ce que je découvre Les bouts ramassés sont pour ma mère, Va la chercher au fond et Courte et fourchue, ses trois nouvelles publiées dans le fastueux onzième numéro de Violences. Trois nouvelles qui m’ont retourné le bide et le cerveau. Il est vrai que des récits sélectionnés par Luna Beretta, ça constitue déjà un indice du genre costaud. Puis Christophe Siébert en a remis une couche en intégrant ces textes à son fameux « top 18 de Violences 11 ». Avec de tels parrain et marraine, le doute n’était pas permis : Tampa Simoni était décidément quelqu’un de très spécial.
Mais quelqu’un que je ne pouvais pas encore situer. Heureusement, je n’ai pas eu à attendre longtemps, car la très chouette revue Squeeze a publié dans les mois qui ont suivi deux autres récits de Tampa, Déterrer la bien femme et La braiseuse, dans ses numéros 22 et 23. Deux textes dont la puissance n’a fait que confirmer tout le bien que je pensais déjà de l’autrice. Mais ça ne me suffisait pas. Rester à l’affut, c’est bien, mais prendre les devants, c’est mieux. Alors j’ai cherché. Et j’ai trouvé. Pour constater qu’en fait je connaissais déjà Tampa. Sous un autre nom. J’avais même déjà croisé sa route à plusieurs reprises. Je l’ai donc contactée.
Après un certain nombre d’échanges et quelques mois de travail, je finis par recevoir un recueil de dix textes intitulé Je n’étais pas très portée sur les petits maris. Ledit recueil comprenait les trois nouvelles parues dans Violences 11, deux textes publiés dans Squeeze (La braiseuse, non repris ici, a été remplacée par De l’innocence des filles, édité entre-temps dans le numéro 24), quatre inédits tout feu tout flamme et un bonus qui vaut son pesant d’or. Je me suis tout envoyé d’une traite. Et j’ai aussitôt ressenti le besoin impérieux d’en parler, car la force qui se dégage de l’écriture de Tampa Simoni a quelque chose d’irrésistible. Dans la forme, c'est nickel (le style à la fois sûr, sec et soigné) et dans le fond, c'est impeccable. Construction maîtrisée, excellente gestion des effets et du rythme, montée en puissance toujours bien dosée : ça cogne dur, ça pulse et ça vibre. Et ça explose de rage, sans jamais oublier de raconter une histoire. Pour un coup d’essai – car c’en est un –, le résultat est sacrément impressionnant.
Avec des textes intitulés Les vieilles chattes ne meurent jamais, Plan postérieur démoniaque ou Les femmes sexy mangent de la viande tous les jours, vous vous douterez que Tampa Simoni fait plutôt dans l’acide sulfurique que dans la romance acidulée. Ici, ça sent bon l’explosion de charge mentale trop longtemps contenue. Pour autant, certaines de ces nouvelles ne sont pas si loin du Fantastique, comme Les courses, avec son côté onirique bigger than life. Mais cette touche de sur-naturel n'enlève rien à l'impact viscéral des textes – au contraire. Entre réalisme cru, horreur frontale, grotesque assumé (ce qui dans ma bouche est évidemment un compliment) et Fantastique malade, il y a un peu tout ce que j'aime dans ce qu’écrit Tampa.
Un mot encore à propos du texte « bonus », parce qu'il le mérite bien. Ce très court fragment d’une douzaine de lignes s’appelle Manifeste de mes 7 ans. Et il contient déjà en germe l’essentiel de la personne qu’est devenue Tampa, ce qui est assez sidérant. Son intégration au sommaire est donc d’une cohérence absolue, d’autant que ce manifeste juste assez sarcastique pour maintenir un subtil équilibre entre premier et second degré constitue l’écho idéal au contenu général du recueil. Très fort. La boucle est bouclée, et un paquet de mâles blancs cishet de cinquante balais risquent de trouver le nœud un peu trop serré s’ils tombent sur ces textes – ou plutôt, si ces textes leur tombent dessus. Car non, messieurs, le titre Je n’étais pas très portée sur les petits maris n’a pas été choisi au hasard juste pour faire joli.
« Des histoires courtes Férocement tragiques Et cruelles un peu Et vengeresses beaucoup Et érotiques et féministes à mort » : voilà ce que promet en effet la quatrième de couverture. Et je peux vous garantir que Tampa Simoni est une personne qui tient ses promesses, au même titre que ses camarades en Violences Astrid Toulon et Luna Beretta, avec lesquelles elle partage un certain nombre d’opinions tranchées, ainsi qu’un style des plus tranchants. Astrid, dont la prose aussi vigoureuse que rigoureuse est un modèle du genre, et Luna, dont j’ai déjà dit à maintes reprises le bien que je pensais de son travail. Mais ce ne sont là que des comparaisons, dont il appartient à chacun de vérifier le bien-fondé. Donc si vous avez déjà lu le dernier Violences et le recueil Dans la bouche d’une fille, Je n’étais pas très portée sur les petits maris et ses 30 pages très denses sont exactement ce qu’il vous faut pour enfoncer le clou. Mais attention : tourner sept fois sa langue dans la bouche d’une fille comme Tampa sans lui demander la permission au préalable peut susciter de grandes violences. À vos risques et périls.
À toutes fins utiles : si le recueil évoqué dans ce billet est bel et bien disponible, il n’existe que sous forme de hors-commerce fait maison, et aucun site ne témoigne pour l’heure de son existence. Pour autant, il est quand même possible de se procurer cette série de brûlots dans leur jus et de manger pendant que c’est chaud. Si Facebook est votre ami, il suffit de contacter deux personnes en particulier (voir liens ci-dessous), et trois formules au choix vous seront proposées. 5 euros si remise en main propre, 7 euros par voie postale frais de port compris, ou 10 euros pour la version « luxe » avec marque-page et carte postale. Règlement par Paypal.
Pas de conseil à vous donner, mais moi j’ai la version collector. Parce qu’ici on ne parle pas tant de bonus que de valeur ajoutée, et pour cause : les marque-pages et cartes postales sont d’Audrey Faury. Oui, la même Audrey Faury connue et reconnue pour ses fantasmagoriques illustrations en noir et blanc. Audrey, multirécidiviste dans Violences, et qui a signé la saisissante couverture de l’anthologie Dimension Violences parue chez Rivière Blanche. De même que celle de Je n’étais pas très portée sur les petits maris. Sans doute une coïncidence…
Tampa Simoni : https://www.facebook.com/100055620190570/
Audrey Faury : https://www.facebook.com/100002025021375/
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