Zippo - Valentine Imhof
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Burn, baby, burn : Zippo, de Valentine Imhof (Rouergue Noir. 2019)
Après le remarquable – et remarqué – Par les rafales, publié en 2018 aux éditions du Rouergue, Valentine Imhof était attendue au tournant. En effet, si le cap du deuxième roman est toujours délicat, il l’est encore davantage quand comme ici le coup d’essai se révèle un coup de maître. Coup de maître… Une expression qui convient à merveille à Zippo, puisqu’il y est bien question de coups et de maître. Comme la saisissante photo de couverture du livre l’indique, Valentine Imhof a en effet choisi d’aborder l’univers sulfureux du BDSM.
Un parti pris audacieux, qui coupe d’emblée toute envie de comparer Par les rafales et Zippo, et c’est très bien ainsi. Pas question pour l’autrice de se répéter, et sa manière d’entrer dans le vif du sujet – et de ses sujets – l’indique assez clairement. Dès le début du roman, nous plongeons en effet dans un univers trouble et vénéneux, juste éclairé par la flamme du Zippo. Clic. Des yeux qui brillent dans le noir. Clic. Il l’appelle Eva, lui n’a plus vraiment de nom. Clic. Des cicatrices. Clic. Peaux mises à nu. Clic. Brûlure. Clic. Le feu qui danse, comme doué d’une vie propre. Clic. Besoin de sceller le pacte. Clic. Laisser la flamme se passer de consentement. Clic. D’autres yeux, qui s’embrasent dans la nuit. Clic. Et une fuite en avant…
Des années plus tard, une policière prénommée Mia se trouve confrontée à un meurtre effroyable. Un meurtre bientôt suivi d’un autre, avec un modus operandi identique. Les deux victimes ont été brûlées vives. Quelqu’un a mis le feu à leur visage. Pas encore assez pour parler d’une série, mais… Mais assez pour refroidir les ardeurs du très macho lieutenant McNamara. À moins qu’il ne s’agisse d’autre chose ? À moins que ses vantardises quotidiennes ne servent qu’à dissimuler d’anciennes douleurs, justement réveillées par ces nouveaux meurtres ?
Theodore Landing, un très étrange personnage souffrant du syndrome du survivant, en sait peut-être davantage à ce sujet. Peut-être même que « Ted » souffre d’autre chose… Mais quel est son rôle dans cette ténébreuse histoire ? Ce sera à l’agent du FBI Hugh Mitchell de l’établir, car les deux meurtres sont devenus trois et à partir de là, l’affaire devient une enquête fédérale. McNamara et Mitchell. Avec au milieu Mia et son corps sculpté et Landing dans l’ombre, pour mieux cacher ses cicatrices. Un quatuor de choc uni par le sexe, la violence et la manipulation. Des personnages borderline aux identités changeantes, déchirés entre des pulsions contradictoires et les traumatismes d’un passé qui refuse de desserrer son étreinte.
Dans Zippo, il est donc surtout question d’ascendance. Voire d’emprise. De sentiments et de sensations si extrêmes qu’ils échappent à la raison et défient la morale. De jeu du chat et de la souris. Reste à savoir qui est l’un et qui est l’autre… Parce qu’un jeu de rôles peut en cacher un autre. Dans Zippo, il y a des meurtres, mais la main qui frappe est aussi celle qui caresse. Il y a des cagoules en latex, mais derrière les masques, on découvre parfois d’autres masques. Dans Zippo, il y a bien plus de prénoms et de pseudonymes qu’il n’y a de protagonistes, mais l’intrigue, elle, reste limpide grâce à une écriture incandescente et à fleur de peau.
Avec Par les rafales, Valentine Imhof avait placé la barre très haut. Grâce à ce deuxième roman, elle relève le défi avec panache, complétant son « Noir duo » de la plus belle des manières. Si les rafales soufflaient fort, la flamme du Zippo tremble mais ne s’éteint pas. Comme quoi Valentine Imhof est décidément une autrice tout feu tout flamme.
Chronique initialement publiée dans La Tête En Noir n° 201, novembre / décembre 2019.
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