Les gros sous - Yves Gibeau
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"Fils de militaire, Yves Gibeau passe une partie de sa jeunesse sous l'uniforme de 1934 à 1939. D'abord enfant de troupe aux Andelys puis à Tulle, puis soldat et, en 1940 prisonnier de guerre, il est rapatrié d'Allemagne en 1941 et gagne ensuite sa vie à l'aide de petits boulots. Il exerce quelques temps le métier de chansonnier, devient par la suite journaliste à Combat puis rédacteur en chef du journal Constellation. Il avait conservé de son expérience sous les drapeaux des convictions résolument pacifistes et une haine tenace de la chose militaire. Dans son ouvrage le plus connu, Allons, z'enfants... , il revient sur son passé d'enfant de troupe en décrivant un milieu caractérisé par la bêtise et la brutalité. Cruciverbiste, il a tenu pendant plusieurs années la rubrique mots croisés du journal l'Express. Il était également un fervent amateur de bicyclette. Un prix littéraire porte son nom, le prix Yves Gibeau qui est décerné par un jury composé de collégiens et lycéens volontaires. Le jury récompense une œuvre littéraire parmi cinq ouvrages d'auteurs contemporains parus en édition de poche. Il réside à partir de 1981 dans le village de Roucy (Aisne). Yves Gibeau est décédé le 14 octobre 1994. Il a tenu à être enterré dans le cimetière de la vieille ville de Craonne qui a été détruite pendant la Première Guerre mondiale."
Irénée Barbreux est le maire des Rampagnes depuis quatre ans. Hélas, la guerre arrive dans ce coin perdu des Ardennes. Les allemands sont à Rethel. Le village doit être rasé le lendemain par les français et un capitaine ordonne l'évacuation pour la matinée. Le maire, attaché à ses terres, refuse de partir en exode vers la Vendée.
Oui mais voilà ! Le père Gobi possède une richesse (à ce qu'il paraît) que lorgne le Machu, un paysan cynique et aigri (déjà à la fin de la Grande Guerre, il s'échinait à creuser dans un champ car les Allemands avaient enfoui un trésor ; se rendant ainsi ridicule aux yeux du village depuis vingt ans) ! Ainsi Barbreux et le Machu proposent au Gobi de partager leur charrette le lendemain ! Le Machu est furieux, venu voir le Gobi la nuit, en constatant que le maire était déjà passé dans l'après-midi ! Et puis le Gobi veut rester chez lui ! Il ne partira pas ! Machu grimace et ronge son frein.
En fin de compte tout le village part sur les routes ! Apparaît au fil des pages le sordide de l'exode ! Non pas les avions, l'artillerie, les soldats... non ! Ce sont les vieilles rancœurs qui surgissent, les jalousies, les mioches qui braillent, les vieilles qui chouinent (les économies cousues dans le gilet)... c'est le racisme envers un Polonais, des clans qui se forment, des accointances... la vanité de l'homme dans toute sa plénitude ! Certains occupent les charrettes des autres, refusant fièrement de l'aide en cas d'alerte... pour ne pas déranger des mères occupées par des enfants hurlants de peur. Malgré le tragique du décor, le ton du récit délivre un certain humour sarcastique, caustique, amer. Après quelques pérégrinations (dont la mort de Gobi durant le voyage), les villageois des Rampagnes reviennent sur leurs terres... mais les Allemands sont là et prennent contrôle des moissons, des vivres et des travaux. Barbreux est seul devant ses responsabilités et la rancune de ses compatriotes qui lui reprochent cette situation. Barbreux perd la foi.
La fin est sordide. Elle démontre la bêtise de la guerre où il n'y a ni vainqueurs ni vaincus... rien qu'une infinie connerie humaine. Yves Gibeau, je le clame haut et fort, c'est l'antichambre de Céline.
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