Parlez-moi d'horreur... / Robert Bloch

Robert Bloch est célèbre pour sa longue collaboration avec Hollywood : scénariste, il a écrit des épisodes de Star Trek, et a contribué souvent à la fameuse série « Alfred Hitchcock présente ». Mais son titre de gloire le plus connu reste d'avoir produit le roman qui a inspiré le même Hitchcock pour « Psychose ». Bloch fut également correspondant de Lovecraft, et tout au long de son œuvre il sut reconnaître la dette envers le créateur du fantastique contemporain.
Robert Bloch s'avère un auteur de nouvelles très prolifique : durant toute sa carrière, il a fourni plusieurs centaines de récits plus ou moins courts, dont beaucoup traduits en français dans différents recueils. « Parlez-moi d'horreur » est de ceux-ci, d'abord paru chez Marabout, et repris dans la belle collection NéO SF/F/Aventure.
Je ne détaillerai pas ici chacun des textes proposés, il suffit de savoir que ce petit recueil se présente comme un condensé des multiples talents de Bob « Psycho » Bloch : douze nouvelles qui abordent le fantastique, la science-fiction, le policier. Quant à l'horreur, je ne sais toujours pas vraiment de quoi il s'agit... Comme d'habitude dans ce genre d'ouvrage, chacun préférera telle ou telle histoire, selon ses goûts et l'humeur du moment. Pour ce qui me concerne, j'ai lu beaucoup des recueils de Bloch, et je ne pense pas que celui-ci figure parmi les meilleurs, car trop hétéroclite, sans idée directrice. De plus, la traduction mériterait quelques améliorations, pour la débarrasser de belgicismes et néologismes pas très heureux. Enfin, on peut aussi trouver que ces textes, tous datés des années quarante et cinquante, évoquent un monde qui n'existe plus que sur les pellicules en noir et blanc, et sont teintés des préjugés de l'époque, en particulier un certain machisme.
« Holà, Lester est encore de mauvais poil, se diront certains, mais alors, pourquoi nous pond-il un papier sur un bouquin qu'il n'a pas apprécié plus que ça ? »
Je leur répondrai qu'ils me connaissent mal, et puis que je fais ce que je veux ! Car, si ces nouvelles de Bloch ne figurent pas parmi ses chefs-d’œuvre, si elles se révèlent inégales, elles n'en restent pas moins un exemple du talent et du savoir-faire d'un grand maître. Ce qui m'a le plus intéressé dans ces courtes histoires, c'est la technique mise en œuvre, bien davantage que les thématiques souvent usées pour notre regard blasé de lecteurs du XXIè siècle. Il faut en effet avouer que des nouvelles comme « La vengeance du tchen-lam » et son exotisme forcé, ou « L'esprit indien », à mi-chemin d'un épisode de Carnaki et des textes spirites de Conan Doyle ne passeraient pas l'épreuve d'un éditeur sérieux de nos jours.
Et pourtant, même dans ces textes datés et sans véritable surprise, on est obligé d'admirer la maîtrise de Robert Bloch : soigneusement calibrées, animées par des personnages nuancés et réalistes, pourtant brossés en quelques phrases concises, se terminant par des chutes parfaites résumées en une courte phrase éclairante, les nouvelles de Bloch ressemblent à une horlogerie suisse dont la mécanique ne tombe jamais en panne. Comme un artisan consciencieux au sommet de son art, Bloch parvient à renouveler des thèmes usés ou déjà exploités, à fabriquer du neuf avec du vieux, et à faire en sorte que la lecture de ses histoires coule de source.
J'ai relu ce recueil d'une traite, fasciné par l'art de son auteur : aucun mot n'est de trop dans ces histoires, chacun concourt à nous pousser vers une conclusion inéluctable, où l'on découvre souvent un humour amer au second degré. Chaque auteur débutant, chaque nouvelliste amateur feraient bien de se hâter de lire et relire Bloch afin de s'imprégner de son talent. Car c'est ainsi que Robert Bloch est grand !
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