Le vertige et Le ciel de la Kolyma - Evguénia Sémionovna Guinzbourg

Evguénia Guinzbourg (1906-1977) est arrêtée en 1937 pour le crime imaginaire de "terrorisme trotskyste" et condamnée à dix ans de travaux forcés dans les terribles camps de la Kolyma, au nord-est de la Sibérie. Réhabilitée après la mort de Staline, elle rédige ses mémoires qui vont se répandre dans le pays par la voie clandestine du samizdat. Le Vertige ou Chronique des temps du culte de la personnalité débute par un coup de téléphone à l'aube le 1er décembre 1934. On lui ordonne un rendez-vous à six heures du matin au Comité régional, bureau 381...
C'est dans « Le vertige » que, durant deux ans, se succèdent les convocations, injures, manipulations, harcèlements, carte du Parti retirée puis un jour survient l'arrestation ! Direction les sous-sols du N.K.V.D, sinistrement surnommés "le souterrain du Lac Noir". Pour Evguénia commencent les brimades, les tortures psychologiques et physiologiques. Dans sa cellule elle fait la connaissance de Liama qui l'initie aux règles de survie, les codes de la prison, la fraternité des incarcérés. Au bout de quelques mois arrive le procès. Sinistre farce récitée et achevée en sept minutes ! Sentence : dix ans de détention en isolement complet. Mais ce n'est pas la mort ! Ce qui fait dire à Evguénia : "Les travaux forcés ! Quelle bénédiction" ; citation de Pasternak.
Transfert à Korovniki, prison de Laroslav. Deux ans de cellule d'isolement où les détenues vivent comme des enterrées vivantes. Acheminement des femmes dans un convoi à bestiaux. Sur les cloisons des wagons sont marqués "OUTILLAGE SPÉCIAL" ! Direction le camp de transit de Vladivostok. Puis c'est la traversée dantesque dans les cales du Djourma vers Kolyma. Trois années se sont déjà écoulées. Evguénia reprend des forces à "l'hôpital pour déportés de Magadan" dans le secteur féminin dirigé par la doctoresse Klimenko...
Concernant « Le ciel de la Kolyma », nous retrouvons Evguénia en juin 1940 à Elguen, grand camp de la Kolyma, situé loin à l'intérieur des terres. Elle officie comme infirmière dans un "combinat" très spécial : celui des enfants nés de femmes déportées. Ils sont regroupés en trois catégories : "nourrissons", "sevrés" et "débrouillés". Malgré des soins rudimentaires et une nourriture quotidienne, les décès sont nombreux. Scènes émouvantes de nourrissons mourants, fatigués par la maladie et seuls. Beaucoup ne parlent pas à quatre ans passés, n'ont aucun contact avec leurs mères ou avec l'extérieur.
Un document fort, intense, émouvant sur l'enfer des purges staliniennes envers les intellectuelles du Parti. Sur des réquisitoires accablants inventés de toute pièce, nous suivons le témoignage d'Evguénia, paragraphes enrichis de notes de l'éditeur en fin de volume sur les principaux protagonistes politiques, artistes, poètes, dissidents de cette époque trouble de la Russie.Témoignage bouleversant car Evguénia énonce des faits vécus sans intention polémique.
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