Neverwhere - Neil Gaiman

Publié le par Lester

 

 

 

Je ne connaissais Neil Gaiman que par ses scénarios de comics, empreints d'une atmosphère onirique, mais laissant toujours une place à un humour très anglais et dénotant une culture classique certaine. Rien de bourrin ni de super-héroïque dans « Sandman », plutôt une ambiance étrange et décalée propice à la rêverie. C'est pourquoi j'avais hâte de découvrir « Neverwhere », qu'un ami m'avait recommandé, et je ne regrette pas cette lecture.

 

« Neverwhere » peut sembler assez convenu au niveau de ses personnages : on y retrouve le héros malgré lui, entraîné à son corps défendant dans une quête qui le transformera à jamais. Porte, la demoiselle en détresse, qui finit par se révéler bien plus forte et mature qu'en apparence. Les personnages secondaires, attachants ou répugnants selon les moments : le marquis de Carabas, ambigu à souhait, Chasseur, la guerrière impavide obsédée par une proie mythique. Mais aussi deux méchants que l'on aime détester et craindre, les inénarrables Messieurs Croup et Vandemar. Sans oublier un ange aux motivations insaisissables, Islington. On peut voir également dans l'intrigue une métaphore assez banale de notre société : la métropole d'en haut, celle que tout le monde connaît, où les individus échangent leurs rêves et leurs destins contre une relative sécurité fournie par un travail routinier et une existence sans surprise, opposée à la ville d'en-bas, où tout peut arriver, surtout le plus désagréable. Les habitants de ces deux cités, deux faces d'une même médaille, s'ignorent mutuellement, et qui bascule – volontairement ou non – « en bas » devient invisible aux yeux de ceux d'en-haut. Image flagrante d'une société à deux vitesses, où les laissés pour compte du monde moderne disparaissent de l'attention de ceux qui « réussissent »...

 

Mais c'est sans compter sur un autre personnage, à mon sens le protagoniste principal du livre : la ville de Londres.

 

Je ne connais pas Londres, mais grâce à la littérature, je l'ai souvent parcourue en compagnie du Docteur Watson et de Sherlock Holmes, ou bien avec les héros de Dickens, ou encore – de manière plus contemporaine – en participant à la quête des portes inter-dimensionnelles menée par les personnages de Graham Masterton. Et la capitale britannique est bel et bien la véritable héroïne du roman de Neil Gaiman. En effet, « Neverwhere » est une balade hallucinée et initiatique dans une ville qui n'en finit pas de révéler sa complexité, et pour laquelle l'auteur semble éprouver une fascination mêlée de dégoût. En lisant « Neverwhere », je n'ai pu m'empêcher de penser à l'énorme roman graphique « From Hell », où Alan Moore nous propose, sur les traces de Jack l'Éventreur, une autre visite dans une Londres ésotérique et maçonnique. Avec « Neverwhere » Neil Gaiman se montre plus léger que son compatriote barbu, il n'étale pas son érudition et ne se refuse pas le plaisir d'un humour parfois un peu facile, mais la démarche me semble la même : nous faire découvrir une métropole grouillante bien plus complexe qu'une promenade à l'usage des touristes.

 

Un autre auteur a évoqué Londres dans un de mes romans favoris : Tim Powers, avec « Les Voies d'Anubis ». Dans ce gros livre foisonnant, Powers nous peint un Londres du début du XIXème siècle qui ressemble sous bien des aspects à celui de Neil Gaiman : une ville à double face, où se côtoient sans presque jamais se mélanger deux sociétés parallèles. Là aussi, nous avons affaire à un héros perdu dans une cité souterraine inquiétante, hantée par des personnages effrayants, et où la magie de l'Antiquité continue à agir.

 

« Neverwhere » est donc un roman agréable à lire au premier degré comme une suite d'aventures picaresques où le lecteur vibre et souffre en compagnie d'un anti héros attachant. Mais c'est aussi une découverte érudite sans être lourde d'une ville fascinante et propice aux rêves de toute sorte.

 

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P
Je le note ...... bandit !! :p :)
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C
J'avais bien aimé cette lecture !
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