Hannibal - Thomas Harris

Publié le par Zaroff

 

 

 

Impossible de se lasser de la tétralogie de Thomas Harris consacrée au plus célèbre criminel cannibale de la littérature : Hannibal Lecter, magnifié par Hopkins au cinéma. Le silence des agneaux et Dragon rouge sont remarquables d'efficacité et j'émets de fortes réserves sur Hannibal Lecter, les origines du mal qui est aussi poussif et chiant que le dernier roman de l'auteur, Cari Mora paru en 2019 après douze ans d'absence. Il est regrettable de constater que Thomas Harris possède un talent indéniable avec une œuvre inégale à défaut d'être inégalée ! Sauf qu'on ne pourra jamais lui retirer la paternité d'un personnage iconique du thriller tant il aura marqué les esprits depuis des décennies.

 

Je relis régulièrement ce troisième opus de 1999 qui reste mon préféré de l'univers Lecterien. Ce roman possède une force, une culture historique et gastronomique et son adaptation cinématographique de 2001 n'a pas grand chose à voir avec ce récit aux multiples miroirs, hormis la beauté sombre et médiévale de la ville de Florence bien reflétée par le réalisateur. L'intrigue d'Hannibal débute sept ans après l'évasion de Lecter. Il réside à Florence sous l'identité d'un conservateur, le docteur Fell. Il a subi quelques changements physiques, dont l'ablation de son sixième doigt de la main gauche. Clarice Starling est dans la disgrâce publique suite à une opération complètement foirée avec les services de la police et du FBI. Elle tue une dealeuse portant un bébé et un photographe la prend en photo. C'est un véritable acharnement médiatique qui se met en branle. Elle tombe dans les tracas judiciaires et tous les coups sont permis, par l'entremise de Krendler et de Mason Verger, pour la faire chuter. Mason est un milliardaire et la quatrième victime de Lecter. Il a survécu mais dans quel état ! Il respire grâce à un poumon artificiel et son visage mutilé est à l'image d'un homme puissant, sadique, pervers et pédophile. À l'aide de sa fortune, il tire les ficelles parmi les membres éminents des autorités fédérales et gouvernementales pour assouvir une vengeance organisée avec des Sardes : offrir un Lecter vivant à des cochons sauvages et affamés.

 

La partie florentine est cohérente dans le film avec l'apparition du flic Pazzi dont son ancêtre fut pendu et éviscéré cinq cents ans auparavant. Il parvient à découvrir la véritable identité du conservateur et engage une procédure avec les avocats de Verger pour toucher la récompense de trois millions de dollars pour sa capture. Le film a l'énorme défaut de montrer des éléments inexacts et différents du récit originel. La sœur de Mason est occultée malgré un rôle majeur dans l'histoire, notamment dans la mort de Mason Verger qui n'est pas bouffé par les sangliers... mais par une murène ! Et ce final où Lecter se coupe le poignet pour échapper à Clarice est grotesque et incompréhensible. Rien à voir avec la sublime conclusion du roman où les liens entre le tueur et l'agent spécial du FBI prennent une ampleur sensuelle et érotique. On peut presque évoquer un tissage incestueux entre les deux adversaires qui se respectent. Le père défunt de Clarice remplacé par Lecter et la petite sœur (Mischa) de Lecter dont Clarice prend la place. C'est résumé naïvement mais on discerne des côtés plus humains, plus « chevaleresques » dans la personnalité du cannibale gastronome.

 

Ce qui m'intrigue vraiment, c'est ce concept de « palais de la mémoire » où Lecter se réfugie depuis l'enfance pour ne plus subir des tourments physiques et mentaux. Il y répertorie des souvenirs enfouis, des instants sensoriels, des documents... sa mémoire est prodigieuse et libérée dans un espace mental gigantesque où l'Art trône dans les pièces et recoins de son âme. C'est un très grand roman et je suis toujours troublé par l'érudition du personnage, les tracas administratifs, les complots, des hommes infects et maudits, des actes de cruauté, la méfiance, les diverses stratégies des protagonistes... Une vaste comédie balzacienne aux accents maléfiques dont on ne sort jamais indemne.

Commenter cet article