Entretien avec Alexandre Ratel

Publié le par Lester

 

 

 

 

Il semble qu'il reste, au fond de la Patagonie et en Lozère quelques tribus reculées qui ne te connaissent pas. Quelques mots sur toi et ton parcours ?

 

Eh bien, je suis un « auteur » de 37 ans. J’ai fait des études d’audiovisuel car j’avais pour but de devenir scénariste étant plus jeune. J’ai aujourd’hui un autre pied dans l’écriture et cela me convient très bien. J’ai tendance à comparer l’écriture à un sport. Certaines personnes s’astreignent à pratiquer un sport pour leur équilibre physique et/ou mental. Pour mon bien-être psychologique, j’ai besoin de l’écriture. C’est une bête tapie dans l’ombre et qui m’appelle tous les jours. Elle est également l’un des sens que je souhaite donner à ma vie.

Bon allez, sortons un peu de l’écriture. Je suis le papa de deux petites filles de 2 et 4 ans. Je suis marié à une femme formidable, Delphine, sans qui je n’aurais sans doute jamais réussi à écrire. Tu vois, nous y revenons. C’est elle qui m’a mis un coup de pied au derrière pour m’encourager à proposer mes nouvelles. Elle qui relit tous mes textes. Elle avec qui je discute des embryons d’idées. D’ailleurs, c’est souvent à l’issue de longues discussions sur une idée que se créent mes textes.

 

« Ainsi vont les Morts », ton premier recueil de nouvelles est entièrement consacré aux morts-vivants et aux zombies. D'où te vient cette passion pour cette mythologie popularisée par le cinéma « bis » ?

 

La réponse qui me vient immédiatement est le premier visionnage du film Zombie, de George Romero. Un choc. Aujourd’hui encore, je n’ai pas toujours pas compris pourquoi ces créatures me fascinent. Elles exercent sur moi un véritable pouvoir d’attraction. Et on peut faire tellement de choses avec elles ! Romero donc, est la première et principale source. Je repense souvent à mon enfance en ce moment. Peut-être la crise de la quarantaine n’est-elle plus très loin. Et quand j’y repense, je constate que mon amour (oui, oui, c’est de l’amour) pour le mort-vivant remonte encore plus loin. Il y a tout d’abord eu Taram et le Chaudron magique de Disney. Sous-coté parce que plus sombre que ses frères et sœurs. Et puis je me souviens également de ce jour où mon père est rentré de son travail. Militaire en treillis qui n’avait pas encore ses cheveux teintés d’argent. Les mains dans le dos. Il nous a convoqué mon grand frère et moi et nous a demandé de choisir l’une de ses mains. Je crois que c’est mon frère qui s’est prononcé d’abord et mon père a alors dévoilé une figurine de Musclor, des Maîtres de l’univers. À mon plus grand bonheur, j’ai hérité de Skeletor, mon premier véritable mort-vivant. Est-ce l’élément perturbateur qui a conduit à ma fascination pour les créatures de l’ombre ? Si tel est le cas, je n’ai plus qu’une chose à dire : merci papa.

 

Mais tu as certainement d'autres centres d'intérêt ?

 

Oui, j’adore le fantastique dans sa globalité. Qu’il passe à travers le filtre de la littérature ou du cinéma. Je me considère comme une personne plutôt curieuse. Je suis passionné par certaines figures de l’Histoire, par certaines périodes de cette même Histoire. Je pense qu’un jour je ferai des romans uchroniques dans lesquels évolueront des zombies. Après, je ne suis pas monomaniaque et j’aime écrire des histoires étranges où il n’y a pas d’êtres en putréfaction. J’adore les récits de voyages temporels, les histoires de monstres, j’en passe encore. Également, ces dernières années, j’ai dévoré beaucoup de séries télévisées. On y trouve des œuvres (n’ayons pas peur des mots) vraiment qualitatives. Des histoires qui me donnent envie d’écrire des histoires. Et enfin, je pratique le cannibalisme les dimanches et jours fériés.

 

À ce propos, quels sont tes auteurs de référence ? Ceux qui t'ont influencé, que tu aimerais suivre ?

 

Surpris si je te dis Stephen King ? C’est cet auteur qui m’a définitivement procuré le plaisir de lire. Par extension, celui d’écrire. Lire un livre du Maître, c’est se réchauffer près de la cheminée dans une cabane que l’on connaît bien, au milieu d’une forêt que l’on ne connaît pas. J’ai aussi pris énormément de plaisir à lire la bibliographie de Chuck Palahniuk. Si j’aime un style, je ne m’appuie pas pour autant dessus. Je pense être un piètre imitateur, j’écris comme cela me vient et je considère le plaisir de la lecture tout différent de celui de l’écriture.

 

Plus difficile, quels sont les styles ou les auteurs qui t'agacent ?

 

Je ne citerai pas de nom en particulier. Je dois avouer que l’écriture sur-descriptive m’agace au plus haut point. Même si c’est très bien écrit, je n’ai qu’une hâte, c’est savoir ce qui va se passer dans cette satanée histoire. Alors la météo, la couleur des arbres et l’intensité du vent, l’hygrométrie… sur cinq pages avant que le personnage n’ouvre cette fameuse porte… Oui, ça m’agace. Il y a des spécialistes, dans la nouvelle ou le roman. Personnellement, je mets l’histoire au cœur de l’écriture et mes descriptions sont très succinctes. On sait par exemple rarement à quoi ressemblent mes personnages principaux. J’estime que c’est respecter le lecteur de ne pas lui sur-baliser le terrain. Sinon, autant regarder un film ! L’histoire ! L’histoire ! Et l’histoire !

 

Publier des nouvelles est difficile. Les éditeurs et le public préfèrent les gros romans, voire les « sagas » à rallonge. Qu'est-ce qui t'attire dans ce format ?

 

Oui, tu as plus que raison. La nouvelle en France est, il me semble, destinée à un public de niche. Beaucoup d’éditeurs sont frileux quant au format et certains se sont même cassé les dents. Pour tout dire, la nouvelle me convient bien parce qu’une fois un texte commencé, j’ai rapidement envie de passer à un autre. J’ai tellement d’idées ! Après, c’est un exercice. Une bonne nouvelle, pour moi, doit avoir un début, un milieu et une fin. C’est aussi évident que c’est difficile. Sur un roman, vous pouvez entraîner votre lecteur sur une certaine longueur pour le perdre en faux-semblants. Dans un texte court, vous n’avez pas beaucoup de munitions pour surprendre. Je suis un adepte des nouvelles à chute. La plupart du temps, j’ai envie que le lecteur finisse un texte avec la bouche en rond. Cela m’arrive aussi d’écrire des nouvelles de sensation, d’émotion. Si je peux y adjoindre une chute, c’est du bonus !

 

Ton écriture est très cinématographique. Les trois films qui t'ont marqué (Romero est exclu de la liste !) ?

 

Je peux tricher ? Je vais dire la trilogie des dollars de Sergio Leone (ça compte pour un seul film, hein ?). Les grands espaces, Clint, les réparties cinglantes, les rebondissements et tout le reste. Je ne m’en lasserai jamais. J’adorerais écrire un western zombie, mix de Romero et Leone ! J’adore le cinéma des 70’s et 80’s. Dans les 90’s, je vais inévitablement citer Usual Suspects pour son scénario démoniaque. Fight Club est un film qui me parle beaucoup également. J’aime bien ce qui bouscule les codes.

 

Enfin, la question est traditionnelle : quels sont tes projets en ce qui concerne l'écriture ?

 

J’ai plusieurs nouvelles qui vont être publiées prochainement chez différents éditeurs. J’en ai quelques-unes dans le disque dur qui attendent la bonne opportunité. J’ai trois idées de romans depuis plusieurs années déjà. Donc je vais me mettre en mode sous-marin et laisser le format « nouvelle » de côté pendant quelque temps et me consacrer à l’écriture d’une histoire plus imposante. Y aura-t-il des morts-vivants dedans ? Oui, très certainement.

 

 

Pour en savoir davantage à propos d’Alexandre :

 

Son site : https://alexandreratel.wordpress.com/

Sa page auteur : https://www.facebook.com/alexandre.ratel.auteur/

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