Un cadavre entre les Sampans - Richard D. Nolane

Publié le par Léonox

 

 

Les crimes de l’orient extrême : Un cadavre entre les sampans, de Richard D. Nolane.

 

 

Passionné de littérature populaire, Richard D. Nolane écrit des romans et des nouvelles depuis le milieu des années 70. L’un de ses faits d’armes est d’avoir signé 43 des 200 titres de la série d’héroïc fantasy Blade. Expert en fantastique et science fiction classique, mais aussi en paranormal et ésotérisme, il a dirigé de ce fait quantité d’anthologies, de revues et d’essais. En outre, il est l’auteur d’un nombre considérable de scénarios de bandes dessinées, en particulier le fameux cycle Wunderwaffen, toujours en cours depuis 2012 aux éditions Soleil.

 

Mais Richard D. Nolane est également féru de littérature policière, ainsi qu’il eut le bon goût de nous le rappeler en faisant publier au printemps 2017 ce petit recueil chez L’œil du Sphinx. « Petit recueil », car Un cadavre entre les sampans, vendu au prix on ne peut plus démocratique de neuf euro, comporte à peine 120 pages pour trois récits. Et voilà bien le principal reproche que l’on peut adresser à ce livre délicieux, d’autant que l’auteur lui-même évoque dans sa préface « la quatrième nouvelle prévue pour la série »… hélas inachevée.

 

Reste qu’il vaut mieux faire envie que pitié, et l’ensemble constitué ici représente déjà une heureuse surprise. En effet, les deux premiers textes n’avaient jamais été réédités depuis leur publication originale dans des anthologies dirigées par Jacques Baudou en 1997 et 2001. Or si ces enquêtes de l’inspecteur Collins sont indépendantes les unes des autres, on retrouve bel et bien dans chacune d’entre elles le charme trouble et les parfums pas toujours délicats du Singapour des années 30… Richard D. Nolane vise en effet le réalisme, et proscrit l’exotisme de pacotille, ainsi qu’on peut le constater dès le début de la première nouvelle éponyme.

 

« C’est vraiment dégoûtant de mourir noyé dans une pareille fosse à purin », estime d’ailleurs le coroner McCraddle. Amis de la poésie, bonjour. Mais il est vrai qu’il y a un cadavre. Et cet homme devenu cadavre, il ne s’est pas noyé. L’inspecteur sollicite donc son informatrice – et plus car affinités – Mama Wang, laquelle lui apprend qu’une figure de la pègre locale appelée Koo, alias Le Serpent, pourrait bien avoir un lien avec le « noyé ». S’ensuivra une rencontre au sommet avec le seigneur du crime, véritable modèle de tension rentrée et de dialogues sibyllins taillés au cordeau, où le policier sera amené à prendre certaines libertés avec la justice pour mieux faire triompher la morale. Ou serait-ce l’inverse ?

 

Le deuxième récit, Mort d’un traiteur chinois, est tout aussi réussi – et encore plus implacable. Mais la « victime » n’est peut-être pas si innocente qu’il y paraît, et une chute glaçante permet de mieux comprendre le tempérament « arrangeant » de l’inspecteur Collins... Enfin, le dernier texte, Une histoire chinoise, bien que deux fois plus court que ses prédécesseurs, impressionne par sa densité et la tristesse qui s’en dégage. Il s’agit sans doute davantage d’un conte cruel que d’une histoire policière, mais il partage avec les autres récits, outre la figure bienveillante de l’inspecteur, un lien thématique très fort. Sans vouloir déflorer le suspense, disons qu’à Singapour dans les années 30, tout était à vendre. Vraiment tout…

 

Avec Un cadavre entre les sampans, Richard D. Nolane propose donc un voyage dans l’espace et dans le temps, où la rigueur historique n’exclut pas l’humanité – bien au contraire. Autrement dit, nous sommes en présence d’un raconteur d’histoires « exotiques » qui ne prend pas ses lecteurs pour des touristes. Profitez-en : ce n’est pas si fréquent.

 

Chronique initialement publiée dans La Tête En Noir n° 191, mars / avril 2018.

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