De l'autre côté - Henri Bé

Publié le par Zaroff

 

 

J'ai une longue histoire commune avec Henri Bé, alias Paladin, celui avec qui j'ai fondé l'Écritoire des Ombres en 2011. Mais on se connaissait déjà depuis l'époque du Manoir Fantastique en 2006. Nous avons parcouru un chemin presque identique avec la passion de l'écriture et le fantastique sous toutes ses formes. Nous avons fréquenté les mêmes fanzines et anthologies, des doutes et des réussites ont jalonné notre chemin et, malgré tout, l'émotion reste intacte à travers les années. Ce deuxième opus des Ombres d'Elyranthe rend hommage à cet auteur généreux en regroupant ses meilleurs récits parmi toutes ses productions. C'est également le premier ouvrage sous le nom de Henri Bé car c'est principalement un nouvelliste et ses publications sont éparpillées dans de nombreuses revues, recueils, fanzines, anthologies et webzines. Mon bonheur sera complet lorsque mon complice nous offrira un roman et on sait qu'il aura les moyens de le faire un jour.

 

Quatorze textes magnifiés par une somptueuse préface de Florence Barrier qui rappelle les thèmes récurrents de l'auteur : incertitudes, mort, féminité, symbolique du seuil, fatalité, ambivalence des sentiments, artifices humains... Je ne résiste pas au plaisir de vous citer un passage du récit « Les ténèbres du dehors », initialement paru en 2010 dans le fanzine « Reflets d'Ombres » :

 

« Comme tous les soirs, je traverse le parc. Je ne suis accompagnée que du vent qui joue avec les feuilles, abandonnées là depuis plusieurs automnes. Je passe entre le regard des statues, renfermées sur leurs rêves de pierre, indifférentes aux fientes d'oiseaux et aux mousses qui les recouvrent. Longtemps, ma famille avait possédé et fait entretenir ces jardins. Quelle catastrophe, quelle ruine est responsable de leur délaissement, de ces herbes qui envahissent les pelouses, de ces fleurs qui se sont multipliées hors des bosquets, de ce chaos végétal dans ce qui était avant le royaume de l'ordre ? Certains diraient qu'il est à l'image de mon chaos intérieur. »

 

J'ai toujours aimé la douce mélancolie qui se dégage des textes de Henri Bé. Un trouble qui se mêle à l'effroi. Tout est en nuances légères et l'horreur est souvent teintée de nostalgie. Et je comprends pourquoi Henri tarde tant à écrire un roman : la poésie de l'instant et la vivacité d'une intrigue sont difficiles à transposer sur un long format. Henri a les tripes et l'âme d'un Marcel Béalu (lisez absolument « Mémoires de l'ombre » chez Bibliothèque Marabout pour comprendre mon raisonnement) ; lui seul parvient à tisser des symphonies nocturnes malgré tous les genres abordés : vampires, légende urbaine japonaise, science-fiction, revenants, zombies, abominations lovecraftiennes, western fantastique (Holy End est une merveille), occultisme, paranormal...

 

Je ne vous cache pas que je suis ému. Ce livre laisse des traces dans notre inconscient tant l'écriture est lyrique, belle, sauvage et contemporaine. Henri adapte son style selon les histoires proposées. D'un érotisme cruel à la Jean Rollin aux apparitions orientales, la palette de l'auteur est vaste et colorée. Henri est un impressionniste de l'horreur. Merci pour ce beau moment de lecture.

 

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