Au seuil de l'enfer - Micky Papoz

Publié le par Léonox

 

  

Sombres résurgences : Au seuil de l’enfer, de Micky Papoz.

 

 

Curieuse destinée que celle de ce volume composé de deux romans. En effet, s'il a fini par paraître dans la collection Noire de Rivière Blanche en 2011, une interview de l'autrice, réalisée en 1995 et jointe en fin d'ouvrage, nous apprend que le regretté Jean Rollin avait prévu de publier les deux romans concernés dans la collection Frayeur à l'époque où il la dirigeait ! Suite à l'interruption de ladite collection au Fleuve Noir, Micky Papoz disparut de la circulation. Il aura donc fallu attendre une quinzaine d’années pour que le grand manitou Philippe Ward se penche sur le sort de ces manuscrits oubliés, jouant une nouvelle fois son rôle d'archéologue-archiviste du Fantastique. Et le moins qu’on puisse dire est qu’il a bien fait, car il aurait été regrettable d’abandonner ces perles noires à un oubli qu’assurément elles ne méritaient pas.

 

L'autre côté des miroirs narre l'histoire d'un retour à la terre pour le moins perturbé.
Marek et Pascale, et leurs deux filles Monika et Barbara, s'apprêtent à prendre possession de la maison de la vieille tante Émilienne. À moins que la vieille tante en question, dont l'esprit malfaisant semble perdurer après sa mort, soit elle-même sur le point de prendre possession de... qui ? En tout cas, il y a cette voix, qui raconte des choses horribles. Et cette voix, qui parle par la bouche de Monika,
n’est pas la sienne… Dans un style cruel et direct qui n’est pas rappeler celui d’Anne Duguël – autre grande autrice découverte par Jean Rollin –, Micky Papoz délivre une intrigue cruelle où les réminiscences du passé viennent empoisonner le présent. Une épouvante rurale de derrière les fagots, avec même quelques scènes gore pour les gourmets.

 

Vrai-faux jumeau du précédent roman, Teratos traite également du phénomène de l'emprise dans un cadre familial et campagnard. Un contexte éprouvant, pimenté de sensualité et d'effluves païens qui ne sont pas sans rappeler La dalle aux maudits, le quatrième et dernier livre écrit par G.-J. Arnaud pour la collection Angoisse. C’est lourd, moite et violent, il y a des cris effroyables, de la violence domestique et autodestructrice, mais aussi des créatures éthyliques qui n'ont pas grand-chose à voir avec des éléphants roses. Car si « Le sommeil de la raison engendre des monstres » est une métaphore, ici, la phrase est à prendre au sens littéral : Josif bouillonne d’idées – et c’est même trop pour un seul homme… Où l’on constate que Micky Papoz a décidément une conception bien à elle du « home sweet home »…

 

Dans la continuité directe de la collection Angoisses, à laquelle elle succéda quelques mois après son arrêt, Frayeur se voulait une sorte de trait d'union entre les prestigieuses collections d’horreur du Fleuve Noir (Angoisse – sans « s » à la fin – et Gore, en l’occurrence). Micky Papoz respecte à la lettre le cahier des charges, et ce savant mélange fonctionne à merveille dans les deux romans ici réunis. En définitive, il n’est donc pas étonnant de retrouver aujourd’hui l’autrice au sein de la collection Noire de Rivière Blanche, tout comme Anne Duguël – encore – et cette autre grande dame qu’était Dominique Rocher. À elles trois, ces femmes d’exception couvrent cinquante ans d’un Fantastique francophone à propos duquel Micky Papoz n’a manifestement pas dit/écrit son dernier mot. Pour notre plus grand plaisir.

  

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