Le retour des damnés - Mario Pinzauti

La collection I RACCONTI DI DRACULA a perduré de 1959 à 1981 aux éditions ERP, avec un âge d'or situé entre 1959 et 1965. Certains furent traduits en France dans les années 60 avec, souvent, une traduction calamiteuse (Dracula Pocket). L'équipe de Sin'Art propose donc "d'approfondir la connaissance de ce pan assez fascinant de la culture fantastique et populaire italienne, dans une langue plus respectueuse des efforts méritoires déployés par les auteurs italiens." Grâce à Hantik Books, nous découvrons ainsi le premier volume traduit de l'italien par Patryck Ficini, relecture par Angélique Boloré.
Il s'agit du maître en la matière : Mario Pinzauti, alias Harry small, Johanni Walter, Jack Leeder, Hubert Sanchez... écrivain prolifique d'une centaine de romans, tous genres confondus, dont 46 pour la seule collection horrifique des éditions ERP. Également scénariste et réalisateur, il œuvra pour le cinéma bis italien, westerns et polars. Curieusement, il fut absent des productions fantastiques et d'horreur ! Nul n'est prophète en son pays, comme on dit.
Pour en revenir à ce roman, il s'agit donc d'une traduction de Il Ritorno Dei Dannati (titre anglais : The Wild Beast of Csejthe) paru en 1973. Un journaliste, Jerry Istok, écrit pour la rubrique "Magic Life" dans une grande revue new-yorkaise. Il arrive à Graz, une ville de l'Autriche orientale. Ses informateurs lui ont indiqué l'existence d'un groupe affilié à la AMORC (Antique et Mystique Ordre Rosae Crucis). Jerry n'est pas si convaincu de l'existence des phénomènes paranormaux et satanistes. Il écrit surtout pour satisfaire les penchants sadiques de ses lecteurs, quitte à inventer des situations à partir de rien. Un ami lui arrange une entrevue avec l'étrange docteur Sat Astar, psychologue. Au domicile de celui-ci, Jerry est reçu par sa secrétaire, une femme magnifique au corps uniquement voilé d'une longue tunique blanche qui dissimule vainement une nudité ensorcelante. Elle se nomme Lamia.
Astar prétend être le Diable en personne et invite le journaliste à une messe noire en compagnie de ses disciples. Après avoir été "préparé" par Lamia, Jerry rejoint Astar dans un cimetière proche d'un village en ruines. La cérémonie commence dans une crypte avec quelques adeptes. Au son du tambour, ça dégénère vite dans un raptus général, mouvements obscènes, frénésie sexuelle, danses chaotiques, cris rauques et sauvages. On égorge un poulet vivant sur le corps d'une femme et les chevauchées reprennent, des sodomies bestiales sont esquissées dans une prose presque neutre et détachée. Lamia utilise le fluide magnétique de Jerry pour le projeter en 1614 dans le château de Csejthe et il devient la réincarnation de son ancêtre Jezorlavy Istok, alias Tête de Fer et amant de la comtesse Bàthory.
Ce court roman peut s'apparenter à un pulp de série B, équivalent littéraire des films gothiques européens, de Jess Franco à Joe Sarno, sans oublier le cycle sur les vampires lesbiennes de la Hammer ou encore l'imaginaire vampiro-onirique de Jean Rollin. Le retour des damnés évoque le spectre maléfique de la comtesse Bàthory, folle assoiffée de sang de vierges, de sacrifices, de sexe et de sadisme total. Pinzauti nous délivre une intrigue décadente, féroce et cruelle où les pulsions débridées s'entremêlent à la sauvagerie et le meurtre. Mais dans un ton plus retenu qu'un Gore, plus psychédélique et envoûtant. C'est surtout l'occasion de décrire des orgies diaboliques dans un érotisme furieux tout en s'accommodant du mythe du vampire. Roman sec et nerveux teinté de mysticisme à la gloire de la beauté et des sortilèges. Le diable se cache dans les détails... et dans les poitrines opulentes ! En à peine 120 pages, il parvient à construire un récit cohérent où l'essence même du mythe est énoncé, presque caricaturé, avec panache. Pinzauti entre dans le vif du sujet sans s'embarrasser de parallèles et de fioritures. On va droit à l'essentiel : ça fornique, ça tue, ça torture... et le lecteur est repu comme une nymphomane aux canines pointues s'abreuvant à une gorge frêle et frémissante.
Je remercie l'équipe Sin'Art de m'avoir offert ce livre qui inaugure la collection Hantik Books, et particulièrement envers André Quintaine et ses échanges amicaux. Félicitations à Patryck Fycini pour cette traduction de qualité, je n'en attendais pas moins de ce chroniqueur avisé chez Sueurs Froides. Mention spéciale pour les nombreuses illustrations de Mario Melis qui parsèment ce roman. J'espère avoir été complet dans cet article. J'ai passé un merveilleux moment dans l'univers de Mario Pinzauti et... vivement le prochain !
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L'édition originale (n°65) :

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