Women's King

Publié le par Zaroff

 

Stephen King n'est jamais aussi bon lorsqu'il décrit un personnage féminin. Il parvient à embarquer son lectorat avec une rare perspicacité, tant les sentiments divers qui submergent ses femmes sont authentiques et justes. Et c'est un défi pour un auteur de rendre vraisemblable des destins aussi variés. D'ailleurs, les femmes kingiennes ne sont pas des figurantes comme dans la plupart des romans. Elles forment un ensemble cohérent, concret et sont indispensables aux intrigues. Voici donc une sélection de quatre ouvrages où une femme tient un rôle prépondérant.

 

Rose Madder débute par une fausse couche de Rosie. Son flic de mari lui a encore filé une raclée... et cela fait quatorze années que ça dure. La vue d'une minuscule goutte de sang sur un drap va être l'élément déclencheur pour Rose McClendon. Elle s'empare d'une carte de crédit et s'enfuit de la maison sans demander son reste. Sûr que son mari ne va pas apprécier du tout cette petite fugue. Fugue ? Non ! Rosie se barre illico et se dirige vers la gare routière et monte dans un bus.
Peu de temps après, elle trouve refuge chez "Filles et Sœurs", une sorte de refuge pour femmes battues. Elle reprend goût à la vie, trouve du boulot et prend un appartement. Chez un brocanteur, elle déniche un tableau à l'huile sous verre qui représente une femme de dos dans un champ herbeux sous un ciel orageux. Une ruine se découpe dans le lointain. Au dos figure un nom écrit au fusain : Rose Madder. Rosie est subjuguée par la toile et décide de la troquer contre sa bague de fiançailles. Au fil des jours, elle remarque des éléments troublants dans la peinture. Des apparitions, le champ qui semble s'élargir, des grillons dans le marouflage au dos du cadre... tandis que Norman, rendu fou par la trahison de sa femme, est déjà sur ses traces.Comme Alice, Rosie va traverser le miroir... ou plutôt le tableau et rejoindre Rose Madder, son ka...
Une heureuse surprise ce roman. C'est un univers où se mêlent l'onirisme et la violence pure. Le récit prend de l'épaisseur après 300 pages, devient malsain avant de terminer dans une terreur absolue. Norman est un personnage vraiment fou. Le tableau est un lien de la Tour Sombre et, plus précisément, des Terres Perdues.

 

Histoire de Lisey est mon livre préféré de King. Le début rappelle un peu la trame de Sac d'os ; un deuil et le mystère de la création en toile de fond. Mais contrairement à celui-ci, Histoire de Lisey se démarque des romans précédents par une intensité incroyable.
Stephen King atteint un palier supplémentaire dans un art où il trône, depuis plus de trente ans, en maître incontesté sur l'Olympe de la Terreur.

La narration de l'accident de Scott Landon (il se fait tirer dessus et tombe sur l'asphalte brûlant d'un parking) est une anthologie de King rarement lue et je pèse mes mots ! Sa femme Lisey le prend dans ses bras et Scott, la bouche en sang, lui annonce que la chose obscure est là ! C'est un paragraphe magique tant il est crédible. Stephen n'avait pas réalisé cela depuis très longtemps. Rien que pour lire cette dizaine de pages, on se doit d'acheter ce bouquin ! En somme, King se pose une question simple car ce roman est une autobiographie déguisée ! Qu'arriverait-il à Tabitha King le jour de la mort du Maître de Bangor ? Sera-t-elle harcelée par des collectionneurs avides ? C'est ce qui arrive à Lisey. Par contre, le collectionneur lui envoie un psychopathe !
En parallèle nous découvrons les soeurs de Lisey dont l'aînée, Amanda, est folle et s'automutile. L'univers de Scott Landon apparaît également peu à peu à travers les souvenirs, les anecdotes et les discussions avec son entourage. Tandis qu'Amanda sombre de plus en plus dans une catatonie sévère, Lisey reçoit des menaces de Zack McCool ! Appels téléphoniques, chat égorgé dans la boîte aux lettres, messages dactylographiés... je n'irai pas plus loin dans le déroulement de l'intrigue.
C'est un roman qui se mérite. Il vous faudra beaucoup de patience et de ténacité pour arriver à destination ! Ne baissez-pas les bras ! Les 400 premières pages peuvent paraître rebutantes mais tenez le coup. Le résultat vaut son pesant d'or ! Et ce n'est pas un nard !...

 

Qui ne se rappelle pas le visage effroyable du personnage de Kathy Bates dans Misery ? C'est un roman kingien court : seulement 440 pages ! Le roman commence par une citation de Friedrich Nietzsche : "Quand tu regardes en l'abîme, l'abîme aussi regarde en toi". Le ton est donné ! Un écrivain célèbre pour sa série des Misery dont l'histoire se déroule à la fin du 19ème siècle fait mourir l'héroïne Misery Chastain dans son dernier roman Misery's Child. Abreuvé de champagne pour avoir enfin "enterrer" ce personnage à l'eau de rose, Paul Sheldon a un accident de voiture. Il est recueilli par Annie Wilkes, infirmière et rustre femme... admiratrice numéro un de Misery ! Dès les premières pages, la folie meurtrière de Wilkes transparaît dans ses dialogues et ses réactions. Sheldon est soigné mais Wilkes vient d'acquérir Misery's Child et découvre la mort de son héroïne préférée... À partir de cet instant, tout dérape ! Les brimades commencent, cruelles, sordides... De l'eau de serpillière pour avaler les médicaments, laisser Sheldon crever de soif et allongé dans sa pisse (il a eu les deux jambes brisées lors de l'accident) ou pire encore : obliger Sheldon à brûler son manuscrit de l'après Misery ! Exemplaire unique envolé en fumée. Son admiratrice est formelle ; Sheldon ne doit faire que du Misery. De plus c'est un roman dans le roman ! Stephen King nous gratifie de quelques chapitres du Retour de Misery. Ainsi nous entrons dans le monde d'Annie et comprenons sa folie. J'arrête ici mon résumé car la suite est effroyable. La scène du film où Annie lui brise les chevilles avec une masse n'est rien comparé à ce qui arrive à l'écrivain dans le roman. C'est du grand King.

 

Dolores Claiborne est un roman original par sa construction car nuls chapitres ne sont présents. C’est une longue déposition de Dolores face à deux policiers et une sténographe. Elle est accusée du meurtre de Vera Donovan son employeur. Elle avoue l’assassinat de son mari vingt-neuf ans auparavant mais nie farouchement celui de Vera, femme cruelle et autoritaire. Dolores fut sa femme de chambre, sa dame de compagnie puis sa garde-malade. Trente années de bons et loyaux services à subir les caprices de Donovan. Dolores Claiborne relate le calvaire subi auprès de Vera. Son despotisme était sans limite. Six pinces pour les draps, tel produit pour la baignoire, la disposition des paillassons… à cela s’ajoute les paralysies et la sénilité de Vera. Dolores se tait et supporte. Elle tue son mari durant l’éclipse du 20 juillet 1963 mais nie farouchement avoir fait chuter Vera Donovan dans l’escalier. Ce roman est surtout le récit de la maltraitance d’une femme. Maltraitances physiques, morales et sociales réservées aux femmes dans les années 50 et 60. Mais il y a pire ! Son mari Joe pratique des attouchements sur leur fille Selena. Roman fort sur les rapports féminins, la vieillesse, le départ des enfants et la dureté de la vie. Un véritable tour de force de King pour ce long monologue de 320 pages. La lecture est fascinante.

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C
J'ai acheté il y a quelques jours "Histoire de Lisey" pour compléter ma collection de livres de Stephen King. J'ai également le dvd "Misery" acheté en bric-à-brac :)
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