Corps et liens, tome 1 - Kââ/Corsélien
Corps et liens, tome 1, de Kââ/Corsélien
Ceci n’est pas une chronique. La présentation de cet ouvrage a beaucoup plus à voir avec un rêve devenu réalité. Un rêve que je caressais depuis de longues années, et qui s’est transformé en un véritable projet l’hiver dernier. En l’occurrence la réédition des romans d’horreur de Pascal Marignac, alias Kââ pour le Polar et Corsélien pour la collection Gore. Mais ce projet n'aurait jamais pu se concrétiser sans la ferveur et l'implication personnelle de madame Elisabeth Marignac, la veuve de l'auteur, qui a patiemment scanné page par page les trois romans composant ce volume. Je me dois aussi de remercier Jean-Marc Lofficier et Philippe Ward, qui m'ont fait confiance au point de me donner une absolue carte blanche.
Une carte blanche pour l’exhumation d’une œuvre rouge. Et noire. Car quand Kââ s’est transformé en Corsélien pour rejoindre la collection Gore en 1987, il avait déjà signé une demi-douzaine de Polars pour Spécial Police. Or l’homme n’était pas du genre à abandonner ses thèmes de prédilection ni sa manière de les traiter sous prétexte qu’il répondait à un travail « de commande ». Bien au contraire. Encenser les Noirs de Docteur Kââ en méprisant les Rouges de Mister Corsélien relève donc de la fainéantise intellectuelle. Dîner de têtes, écrit pour la collection Maniac mais paru en 1993 sous le pseudonyme de Kââ, le prouve à lui seul.
C’est pourquoi ce livre intitulé Corps et liens, publié début août chez Rivière Blanche, porte la double signature Kââ/Corsélien. Et je suis d’autant plus heureux de le présenter aujourd’hui qu’il s’agit de la première réédition des œuvres de Pascal Marignac depuis son décès prématuré en 2002. Serge Brussolo, alors directeur de collection aux éditions du Masque, s’était à l’époque chargé de la remise en lumière de trois romans noirs signés Kââ. Silhouettes de mort sous la lune blanche, Il ne faut pas déclencher les puissances nocturnes et Petit renard avaient ainsi pu connaître une deuxième vie grâce à l’auteur de Conan Lord. Quinze ans plus tard, il était grand temps de déclencher à nouveau les puissances nocturnes…
Car si Brussolo estimait que « Kââ était LE meilleur auteur de roman noir de ces vingt dernières années », je considère pour ma part que sans son avatar horrifique Corsélien, mon parcours littéraire aurait été très différent Il était donc indispensable à mes yeux de rendre tôt ou tard au Serpent ce qui appartenait au Serpent. Simple question de cohérence. Mais les choses ne sont pas si simples. Depuis la mort du Fleuve Noir, il n’existe plus en France aucun « gros » éditeur capable et désireux de valoriser notre patrimoine littéraire populaire. C’est une honte absolue, mais un anonyme tel que moi ne pourra rien y changer. Heureusement, tout n’est pas perdu, puisque depuis 2004 « Fleuve Noir » se prononce « Rivière Blanche ».
Et chez Rivière Blanche, quand on évoque des romans comme L’État des plaies, Bruit crissant du rasoir sur les os ou Retour au bal, à Dalstein, on sait ce que ça veut dire. On sait à quel point ces romans sont importants, et pourquoi il convient de leur offrir une cure de jouvence. Ces trois livres ont permis à Pascal Marignac de « passer la limite » en questionnant « le statut du Mal ». Et ils ont contribué à prouver que la frontière entre le Noir (Kââ) et le Rouge (Corsélien) n’était pas si nette qu’on pouvait le croire. Du reste, les frontières ne sont-elles pas faites pour être franchies, de même que les tabous n’existent que pour être brisés ?
Chronique initialement publiée dans La Tête En Noir n° 182, septembre / octobre 2016.
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