Mondo Trasho
MONDO TRASHO
Une amie me parlait dernièrement de certaines images de camps d'extermination qui l'avaient bouleversée. Je la comprends d'autant mieux que j'ai aussi eu l'occasion d'en voir très jeune. Et elles m'ont marqué au fer rouge. Justement parce qu'en dépit des innombrables ignominies littéraires ou pelliculées dont je me suis abreuvé depuis lors, je n'ai jamais lu/vu pire. En outre, je tiens pour un fait établi que cette immonde boucherie a vraiment existé. C'est précisément pour cette raison qu'une oeuvre de fiction, aussi extrême soit-elle, n'aura jamais sur moi autant d'impact qu'une situation « à caractère gore égal » issue de la réalité.
Dans le même ordre d'idées, prenons cet exemple de l'accouchement, évènement gore s'il en est. Comment je le sais ? Tout simplement parce que c'est exactement le terme qu'ont employé ceux qui dans mon entourage ont eu l'occasion d'en voir. Et ce n'était pas pour me faire plaisir. Voilà pourquoi je comprends tout à fait « ceux qui font une drôle de tête quand la tête du bébé sort ». Pour moi c'est une scène d'une violence absolue, accomplie de surcroît dans un déferlement gore bien difficile à reproduire en termes d'impact au cinéma ou en littérature.
Femme qui souffre de façon paroxystique, bébé submergé de substances diverses, tous les deux rivalisant de hurlements, qui de douleur, qui de terreur, j'avoue que j'ai bien du mal à comprendre qu'on puisse trouver la situation « belle » (je l'ai aussi entendu dire, mais par d'autres personnes, et beaucoup plus rarement). Sans doute y a-t-il du vrai dans la fameuse phrase « L'amour est aveugle ». Mais à chacun ses arrangements avec le réel, je ne suis pas là pour en juger. Je me réserve juste le droit d'être en total désaccord. Pour ce qu'elle vaut, et pour en conclure, mon opinion personnelle sur ce sujet se trouve assez bien résumée dans un sample utilisé par un de mes groupes favoris: « The beginning of life is a moment of terror ».
TRASH SOCIAL VERSUS CRASH SOCIETAL
La question des étiquettes : tenue incorrecte exigée ? Quand on écrit, on n'y pense pas, et on s'en fout un peu. La question ne se pose qu'après coup. Alors c'est vrai qu'avec TRASH on a un concept précis, mais on reste libre de le tordre dans tous les sens et d'y écrire ce qu'on veut comme on veut. Quant au nom de la collection, nous l'avons choisi parce qu'il est tapageur, accrocheur et représentatif. Et ça nous évite d'être qualifiés de tout et de n'importe quoi par des pisse-copies conservateurs au cas où nos bouquins tomberaient entre de mauvaises mains.
Bien sûr que le Gore est un défouloir, bien sûr qu'on y projette pêle-mêle nos envies les plus déviantes, nos fantasmes les moins avouables, nos pulsions les plus obscènes. Mais ce n'est pas incompatible avec d'autres ambitions. Je ne vois pas pourquoi le Gore/Trash serait plus gratuit et vain que les autres genres. Perso, l'âme, je n'y crois pas, mais l'homme, oui, car quoi que je fasse pour lui échapper, je le retrouve toujours. Alors il faut bien que je me confronte à lui. Et pour moi toute confrontation est violence. C'est justement de ça que traite Bloodfist. Et c'est d'ailleurs pourquoi je trouve si amusant de répondre à ceux qui me posent des questions du type: « Mais pourquoi écrivez-vous ce genre de choses ? Pourquoi faites-vous du Gore ? ». Et pourquoi pas ? Pourquoi pas du rouge qui tache, pour changer de la Blanche fadasse ? Pourquoi serions-nous obligés de toujours nous justifier ? Est-ce qu'on demande aux Goncourt et autres Renaudot pourquoi ils écrivent de la Blanche ? De surcroît, dans la plupart des cas, ces questions sont des poupées gigognes, dissimulant bien mal une agressivité latente. Mais pas question de tendre l'autre joue. D'autant moins que ladite agressivité a été suscitée par une oeuvre de fiction, que d'aucuns jugent pertinent de faire basculer dans le réel pour en tirer des conclusions fumeuses, tels de petits docteurs Freud de comptoir. Bon. Finalement, de telles attitudes ne prouvent qu'une chose: mon récit fonctionne. Bonus non négligeable, il permet à certains lecteurs de s'entretenir en jouant au boomerang.
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