Articles avec #les bouquins de lester tag

Vers le Pays Rouge - Justine Niogret

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

 

 

Voici un nouveau recueil de nouvelles préparé et présenté par Artikel Unbekannt, chez un éditeur qui ne cède rien sur sa ligne : qualité et exigence, même si les récits courts n'ont pas la faveur du grand public. Et ça tombe bien, car Justine Niogret ne badine pas avec le style ! Ainsi, j'ai découvert en lisant « Vers le Pays Rouge » un ensemble de textes bien supérieurs à tout ce qui est promu par les grands médias, l'originalité en plus.

 

Après une des préfaces dont Artikel possède le secret, nous ouvrons donc un livre double : d'abord, la réédition d'un ancien recueil aujourd'hui épuisé et introuvable, « Et Toujours le Bruit de l'Orage », et ensuite dix nouvelles parues dans diverses revues et anthologies. L'ensemble forme un tout harmonieux, cohérent. En effet, même si Justine Niogret aborde des genres en apparence très diversifiés, comme l'heroic-fantasy, le fantastique et l'étrange, avec quelques incursions dans la science-fiction, les thèmes abordés et surtout le style sous-jacent nous rappellent que nous avons affaire à un véritable écrivain, qui a su bâtir son propre imaginaire en dépit des modes. À l'aide de phrases percutantes, qui frappent le lecteur là où il est le plus sensible, Justine Niogret conte des histoires parfois choquantes, mais toujours émouvantes.

 

Lorsqu'elle affronte le genre pourtant très codifié de l'heroic-fantasy, l'autrice parvient aussi à témoigner de sa forte individualité. Ici, pas de servilité envers Tolkien et ses suiveurs insipides, nul appel aux poncifs d'un genre saturé d'elfes évanescents et de nains plus ou moins bien embouchés. Tout au plus pourrait-on déceler une certaine filiation avec les meilleures histoires de Robert E. Howard, de par la brutalité, la cruauté de certaines images, comme dans « L'Odeur de la Tourbe » ou la superbe « Dure, Bleue comme la Glace ». De même avec le thème mille fois rebattu du vampire, « L'Argent Terni de Mon Gobelet », où Justine Niogret réussit à donner au mythe usé une couleur personnelle unique.

 

On trouve des points communs dans nombre des histoires présentes dans ce recueil : l'enfance, pas souvent innocente et heureuse, comme dans le terrifiant « La Grange » ou le très beau « Un Chant d'Été ». La guerre et ses fatalités, et ses conséquences sur les enfants, encore. Les femmes, aussi, et la cruauté de la société envers elles, dans « Le Jour de la Belladone ». Et si l'ensemble du recueil donne au final une impression de mélancolie désespérée, il faut noter cependant que la dame ne manque pas d'humour : dans deux récits au moins, elle parvient à en témoigner, surtout avec « La Hamarsheimt, ou Presque Pareil » où elle réécrit la mythologie nordique de façon hilarante. Et n'oublions pas « Mon Chat est une Purge », un monologue à l'humour grinçant et cruel, où les monstres ne sont pas qu'animaux.

 

En conclusion, j'ai découvert avec « Vers le Pays Rouge » une styliste confirmée et une nouvelliste capable, en peu de pages, de créer un univers personnel unique. Encore une fois, grâce à Rivière Blanche, la preuve est administrée que les littératures de l'imaginaire ne s'adressent pas seulement à un public restreint d'adolescents attardés, mais à tout lecteur amateur de style et de récits émouvants.

 

 

http://www.riviereblanche.com/noire-n116-vers-le-pays-rouge.html

Voir les commentaires

Transfusion - Anthologie

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

« Transfusion », un petit recueil sang pour sang fantastique.

 

 

J'adore les anthologies. Et je déplore que les « grands » éditeurs se montrent de plus en plus frileux à en proposer, au prétexte sournois que les lecteurs préfèrent s'infliger de longues (interminables ?) séries, mais je les soupçonne de plutôt penser à leur marge bénéficiaire, et à l'aspect pratique : préparer une anthologie représente beaucoup d'auteurs à gérer, beaucoup de textes différents à lire, donc plus de travail éditorial. Pourtant, ouvrir un recueil de courtes histoires, c'est franchir le seuil d'une foule de mondes et de styles variés, et c'est aussi l'occasion de retrouver de vieilles connaissances, et d'en rencontrer de nouvelles. Je préfère piocher dans un buffet diversifié, alterner le suave et le pimenté, me laisser surprendre par une saveur inédite, au risque, parfois, de me retrouver écœuré par un goût qui, décidément, n'est pas pour moi, plutôt que de me contenter de la grosse bouffe industrielle et sans surprise concoctée par les fabricants de « sagas » au kilomètre qui se contentent de (mal) copier les valeurs sûres que sont Tolkien, Howard, Herbert et quelques autres.

 

Alors, je me suis réjoui quand j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres l'anthologie « Transfusion », parue aux Éditions des Tourments, qui regroupe six nouvelles d'autant de jeunes auteurs, toutes écrites à quatre mains en collaboration avec le maître d’œuvre de l'ouvrage, Davy Artero. En outre, le recueil comporte un prologue et une conclusion, afin de donner une explication et une cohésion au projet.

 

« Transfusion » aborde des thèmes classiques du fantastique et de l'épouvante : nécromancie (« Idem » de Davy Mourier) vampirisme (« Un grand cru » de Manon Guenot) morts-vivants et zombies (« Un passager » de Salomon de Izarra et « Douce Julia » de notre vieille connaissance Alexandre Ratel) cannibalisme (« Bon marché » de Gary Laski, sans doute mon histoire préférée de ce recueil) et fin du monde avec hommage à Lovecraft (« Murderage Town » de Jean-Christophe Malevil). Un esprit chagrin pourrait trouver que ces nouvelles sont un petit peu trop classiques, justement, et qu'elles représentent une forme de surnaturel bien éloignée des productions actuelles placées sous le signe de l'urban-fantasy et autres fantaisies plus ou moins héroïques. En lisant ces petits récits, j'ai plutôt ressenti pour ma part l'agréable impression de renouer avec les sensations éprouvées avec des collections comme « Territoires de l'Inquiétude » : un agréable mélange de nouvelles pour tous les goûts, dans une optique classique.

 

Bien sûr, tout n'est pas parfait, dans ce bas monde, et surtout dans celui de la petite édition. Il est vrai que certains thèmes évoqués sont très rebattus (le vampirisme, par exemple) et qu'aucune des six nouvelles n'apporte de réelle surprise. Le recueil est très court, aussi, et peut laisser l'impression de rester sur sa faim. Et puis, le travail éditorial laisse un peu à désirer sur certains textes : quelques maladresses, quelques coquilles restantes donnent à penser que des relectures plus rigoureuses auraient été nécessaires, mais l'ensemble du recueil reste un moment de lecture agréable, et je garderai désormais un œil sur les parutions des Éditions des Tourments.

Voir les commentaires

Aux frontières de l'étrange

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

 

Aux Frontières de l'Étrange, collection Rama. L'Ivre-Book.

 

 

Merci à Lilian Ronchaud.

 

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

 

 

Trois auteurs, trois textes sur un thème commun, telle est l’architecture de la collection Rama.

Ce numéro un propose trois nouvelles sur une thématique fantastique.

Véro-Lyse Marcq nous fait entrevoir la peur d’être enfermé vivant entre quatre planches. Philippe Goaz nous entraîne dans un livre dont vous êtes le héros au sein d’une aventure cthulhuesque. Renaud Benoist nous convie à une étrange promenade quelque peu irréelle.

Ne ratez pas votre rendez-vous avec Rama.

 

 

 

L'Ivre-Book Éditions lance une nouvelle collection consacrée aux nouvelles fantastiques, « RAMA », avec un premier volume intitulé « Aux Frontières de l'Étrange ». Le concept est intéressant, car il s'agit en fait d'une mini-anthologie d'une soixantaine de pages regroupant trois auteurs, pour trois textes courts à dominante fantastique. Je dois l'avouer, je suis un grand amateur de nouvelles, et je considère que c'est un genre à part entière, et non un succédané de roman pour lecteurs pressés, ou encore (comme semblent le penser certains éditeurs) l'apanage d'auteurs trop fainéants ou pas assez doués pour produire une de ces « sagas » qui alourdissent les rayonnages des supermarchés de la culture.

 

 

La première de ces nouvelles, intitulée « Ici la Terre » et signée Véro-Lyse Marcq, reprend un thème cher à Edgar Poe, un des maîtres du récit court et horrifique. On suit donc les affres et les réflexions d'un personnage qui s'aperçoit qu'il a été enterré vivant. Ambiance claustrophobe garantie, avec en prime un peu d'humour sardonique. Mais l'affaire se complique à mesure que l'action se précipite : cet ensevelissement est-il dû à une erreur tragique, ou bien une conspiration a-t-elle mené notre malheureux héros six pieds sous terre ? Et surtout, la victime est-elle encore bien vivante ? Une histoire menée sans temps mort, avec un brin de dérision, dommage que certains maniérismes d'écriture viennent parfois sortir le lecteur de l'action.

 

 

La deuxième nouvelle se nomme « Le Héros de l'Aventure », par Philippe Goaz, et nous ramène à l'époque où les petits livres dont le lecteur est le personnage principal constituaient souvent la première approche de l'univers des jeux de rôle. Une distraction innocente, oui, sauf si l'opuscule en question provient de la boutique d'un bouquiniste inquiétant, et qu'il semble chargé de bien étranges pouvoirs. Là aussi, il s'agit d'un un récit intriguant, prenant et addictif. Même si les amateurs du genre ne devraient pas être surpris, l'ambiance d'angoisse de ce récit où plane la patte de Lovecraft vaut le détour.

 

 

Enfin, Renaud Benoist clôt le recueil avec « Promenade ». Du fantastique rural, à la limite du conte, avec le récit halluciné de deux amis partis en balade sur les sentiers du Massif Central. Le parcours leur est connu, les sentiers familiers et faciles, mais qui peut deviner ce qui se dissimule dans une cabane de berger abandonnée dans les montagnes ? Voyage entre le rêve et la réalité, le fantasme et le faux-semblant, cette « Promenade » est la preuve que le fantastique est souvent plus présent qu'on peut le croire, peut-être dans les détails anodins, peut-être dans le regard que l'on porte sur le monde, tout simplement.

 

 

« Aux Frontières de l'Étrange » est donc un petit recueil très recommandable, dont la variété de tons et de style est adaptée aux lecteurs aguerris de fantastique comme à ceux désireux de s'initier au genre.

Voir les commentaires

Lasser (Intégrale 1) - Sylvie Miller & Philippe Ward

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

What Isis ? Only fantasy !

 

 

Rendons grâce au tandem Sylvie Miller-Philippe Ward de redonner ses lettres de noblesse à la fantaisie dans l'imaginaire ! Alors que les librairies sont encombrées de livres souvent sinistres, reflets de l'air du temps, en forme de contre-utopies pessimistes, d'invasions de zombies, de catastrophes écologiques, notre noir duo laisse libre cours à sa veine créative et nous livre, avec « Lasser, Détective des Dieux », une série de romans pleins d'inventivité, de suspense, mais aussi d'humour et de dérision.

 

« Lasser », c'est le télescopage entre les détectives à la Raymond Chandler ou Dashiell Hammett et les mythologies antiques, le tout dans l'atmosphère surannée du Caire des années 30. Rien ne manque dans ces romans : le privé velléitaire mais attachant, l'assistante dévouée, efficace mais négligée, le chef de la police aussi antipathique qu'incompétent, l'indic mystérieux... Sans oublier les femmes : fatales, souvent. Divines, forcément !

 

Les auteurs nous propulsent donc dans un univers loufoque, où les dieux de l'Antiquité existent réellement, et dominent les sociétés humaines. Bien entendu, la face du monde en est changée, et le nez de Cléopâtre n'a rien à voir là-dedans. Ainsi, en 1930, la Gaule est toujours un pays, l'Europe une mosaïque de nations qui n'a jamais connu l'unification dans l'Empire romain, et un pharaon gouverne l'Égypte. Les grands monothéismes n'ont jamais émergé, aussi les habitants des divers panthéons païens s'en donnent à cœur joie, conduisant des grosses bagnoles sur mesure, et se comportant envers les humains comme s'ils en étaient propriétaires. Car les dieux sont tout sauf sympathiques : malgré des pouvoirs surnaturels et la vie éternelle, ils s'avèrent aussi capricieux que des stars de Hollywood, et aussi déraisonnables que des enfants gâtés. Isis est dépeinte comme une superbe mégère, Seth comme un psychopathe sadique, Zeus et Hadès donnent l'image d'insupportables tyrans. Même les personnages plus sympathiques en prennent pour leur divin grade. Ainsi, Néfertoum, dieu mineur, fils de Sekhmet, devient un fidèle ami de Lasser et parvient à le tirer de maints mauvais pas, mais il est aussi capable de se transformer en un chat parlant particulièrement horripilant.

 

Dans cette Égypte farfelue, Jean-Philippe Lasser évolue avec une sorte de naïveté attachante. Il tente de résoudre des enquêtes que s'obstine à lui confier la redoutable Isis en interrogeant des témoins pas toujours très francs, en essayant d'éviter les passages à tabac et en asséchant un nombre considérable de bouteilles de whisky. Dans la lignée des romans policiers « hard-boiled », ces investigations ne sont, au final, qu'un moyen de nous présenter un univers riche et passionnant, dépaysant et farfelu. Que ce soit au Caire ou à Babylone, en Atlantide ou en Provence, que les voyages se déroulent en avion Letord de 1917 ou en tapis volant, en roadster Mercedes ou en Coccinelle, Miller et Ward ne laissent aucun répit à leur détective, et donc au lecteur. On se prend au jeu de ces enquêtes qui nous permettent de visiter des lieux aussi variés que le fond des océans, les Enfers grecs ou les temples secrets de l’Égypte pharaonique.

 

L'humour occupe une part très importante dans les aventures de Lasser. Un comique de situation, d'abord, suscité par le décalage constant entre le surnaturel et les réactions parfois triviales du détective, et surtout des dieux eux-mêmes. Ceux-ci se comportent comme des parvenus qui usent et abusent de leurs pouvoirs. Le sourire provient de la banalité de leurs motivations, et du fait qu'ils soient confrontés aux mêmes difficultés que les simples mortels. Volés, cocufiés, bernés, les habitants du panthéon sont contraints de faire appel aux services et aux compétences très humains de Jean-Philippe Lasser, ce qui, finalement, nous ramène aux ressorts de certaines comédies antiques. Notons aussi que le cycle « Lasser » foisonne de petits clins d’œil à l'actualité (l'organisateur de festivités agité Sarq-Ôsis), mais aussi d'allusions réservées plus spécialement à des connaisseurs du milieu de l'édition (Hapi le treizième, l'ODSS...) Heureusement, ce regard humoristique ne nuit pas à la qualité des intrigues, et surtout il ne se montre jamais pesant : Sylvie Miller et Philippe Ward savent doser leurs effets, et leurs romans ne tombent pas dans la facilité ni dans la bouffonnerie.

 

Enfin, mention spéciale à l'objet : les éditions Critic ont parfaitement réussi leur coup en produisant un ouvrage d'une grande beauté. Il s'agit d'un épais volume, de fabrication très soignée, doté d'un dos toilé sobre et élégant, d'un signet, de pages de gardes ornées de hiéroglyphes, et imprimé sur un papier agréable au toucher. Et en prime, il y a des bonus ! D'abord, un cahier graphique regroupant les couvertures réalisées par Xavier Collette, dont le graphisme colle tout à fait aux romans. Puis, des cartes des lieux traversés, un petit dictionnaire des êtres mythologiques évoqués et enfin des annexes passionnantes décrivant les modes de locomotion empruntés par Lasser lors de ses enquêtes. Enfin, pour les gourmands, on trouve même des recettes de cuisine pour faire voyager les papilles autour de la Méditerranée, pardon ! Mare Nostrum !

 

En résumé, « Lasser, l'Intégrale » est un régal pour les amateurs de bonne fantaisie et de policier, le tout enrobé dans un très beau livre.

 

Jeu, Seth et match pour le double Miller-Ward !

 

Voir les commentaires

Ainsi vont les morts - Alexandre Ratel

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

 

Ainsi vont les morts, d’Alexandre Ratel. Rivière Blanche.

 

 

Merci à Philippe Ward.

 

 

(La rédaction tient à informer ses lecteurs qu'aucun mort-vivant n'a été maltraité lors de l'écriture de cet article)

 

 

 

 

La littérature de Zombies (Z-lit ?) a connu son heure de gloire voilà quelques années déjà, propulsée par la vogue de séries et de comics américains qui ont redonné au genre une popularité disparue depuis les films de George A, Romero. Depuis, les apprentis écrivains semblent avoir déserté le créneau, et les morts-vivants avides de chair humaine ne hantent plus trop les tables des librairies, ce qui n'est pas pour me déplaire, car je déteste les modes, et encore plus les suiveurs qui se contentent d'exploiter un filon découvert par quelques novateurs. Alexandre Ratel n'est pas de ceux-là, heureusement.

 

 

Pourtant, il est évident qu'il connaît le sujet sur le bout des doigts, et si l'Académie se décidait enfin à fonder une chaire (chair ?) de zombiologie, je ne doute pas un instant qu'elle lui serait attribuée à l'unanimité. Car il saute aux yeux qu'Alexandre Ratel est un passionné, un amateur forcené du genre, un obsessionnel du mort qui marche, un spécialiste de la charogne ambulante et affamée de matière cérébrale fraîche. La preuve, en treize nouvelles, il nous invite à un tour d'horizon complet de cette thématique bien codifiée par le cinéma, en réussissant le tour de force de renouveler le genre grâce à une bonne dose d'humour et de distanciation.

 

 

Qu'il évoque un futur atrocement proche ou un présent cauchemardesque et paranoïaque, qu'il aborde le récit de guerre ou le style western, qu'il invoque le Moyen-Âge ou bien d'étranges faux Pères Noël chargés de distribuer un peu de bonheur aux enfants témoins de l'Apocalypse zombie, Ratel étale avec culot une large culture cinématographique au service de sa monomanie ; qu'il mette en scène un Rambo jonglant avec une mitrailleuse, ou un village perdu dans un décor de l'Ouest sauvage, l'auteur parvient à susciter en nous des images issues tout droit du cinéma populaire. Armé d'un style direct et sans ornement superflu, il nous inflige le récit sans concession des affres d'humains réputés « normaux » face aux douteuses attentions de ressuscités cannibales atteints de décomposition plus ou moins avancée. Car, au final, c'est toujours de l'humanité qu'il s'agit, de ses efforts dérisoires pour s'adapter, pour survivre malgré tout, malgré l'horreur et la folie.

 

 

Grâce à la variété des décors et des tons qui composent les différentes nouvelles, l'ensemble du recueil n'engendre pas le sentiment de routine et de déjà-vu parfois rencontré à la lecture de certaines anthologies thématiques, et dans chacun de ces récits j'ai trouvé un élément de nouveauté et d'intérêt qui m'a poussé à tourner la page suivante. « Ainsi vont les Morts » est donc une lecture agréable et originale, que je recommande aux amateurs de littérature d'épouvante et fantastique, mais aussi à ceux qui fréquentent les salles de cinéma « bis » et qui collectionnent les films de série Z.

 

 

Mais en attendant, je vais me préparer une petite collation, je ne sais pas ce que j'ai en ce moment, mais j'ai une envie folle de me préparer une cervelle...

 

 

Lien d'achat.

Voir les commentaires

Sorcière de chair - Sarah Buschmann

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

 

 

Sorcière de Chair, de Sarah Buschmann. Noir d'Absinthe.

 

 

 

 

 

 

Présentation de l’éditeur :

 

 

 

Australie, 2016.

Sept ans après un massacre qui a décimé toute une famille, de nouveaux meurtres surviennent à Melbourne. Des homicides si sordides que la Sorcellerie de Chair, taboue depuis les grandes chasses qui ont déchiré le pays, est évoquée.
Pour Arabella Malvo, lieutenant de la brigade criminelle, ils s’avèrent particulièrement déstabilisants. Pourquoi les victimes lui ressemblent-elles comme des sœurs ? Le meurtrier la connaît-elle ? Pourquoi maintenant ?
Une chose est sûre : l'abîme qu’elle fuit depuis toutes ces années risque de s’ouvrir à nouveau sous ses pieds. Et cette fois, de l’engloutir pour de bon…

 

 

 

Sarah Buschmann est une jeune autrice, et « Sorcière de Chair » est son premier roman, publié après plusieurs participations remarquées dans diverses anthologies et recueils, D'une lecture agréable, grâce à un style direct et sans fioriture inutile, ce roman fantastique se déroule dans un cadre dépaysant, puisque l'action se situe en Australie, de nos jours. J'ai apprécié ce voyage agrémenté de descriptions vivantes des grandes villes de cette île-continent, ce qui nous change des sempiternels romans de « terreur » des auteurs américains, invariablement situés en Nouvelle-Angleterre (King), ou bien en Californie (Koontz). Construite comme un roman noir, l'histoire nous fait partager l'enquête d'une jeune policière à propos de meurtres atroces commis par ce qui semble être une sorcière. Au fil des pages, on découvre qu'Arabella Calvo est un personnage plus complexe qu'il n'y paraît, et que le rôle qu'elle joue cache un lourd secret...

 

 

Afin de ne pas déflorer l'intrigue (avouez que ce terme est plus élégant que « spoiler ») je ne m'étendrai pas sur les multiples rebondissements et coups de théâtre qui parsèment ce roman. Au lecteur curieux de découvrir qui sont vraiment les protagonistes, et quelles sont leurs motivations profondes. Sarah Buschmann a sans doute lu avec profit des auteurs confirmés du genre, comme Dean Ray Koontz, lui aussi grand spécialiste des portraits de flics traînant un lourd passé, et de personnages ambigus, voire malsains. Les scènes d'enquête sont décrites avec beaucoup de professionnalisme, au point que j'ai ressenti l'impression d'assister à un épisode d'une des séries qui saturent nos chaînes de télévision, entre deux publicités : interrogatoires de suspects, visite chez le légiste à la morgue, planques et filatures, et l'inévitable discours technique sur l'ADN et ses facéties. Ces passages obligés font partie du genre, et c'est très bien maîtrisé. À noter aussi que l'autrice est très à l'aise avec les scènes d'action, et qu'elle n'hésite pas à nous dépeindre des scènes d'horreur sanguinolente avec pertinence et détachement, dénotant un talent certain pour le « gore ».

 

 

Le seul reproche que je ferai à ce livre, et c'est un avis très personnel, concerne le postulat de départ. Sarah Buschmann nous dépeint un monde (en particulier l'Australie) où une nouvelle espèce humaine est apparue, les sorcières. Capables de posséder littéralement un humain normal par simple contact, puis de téléguider cet individu pour lui faire commettre des actes abominables, ces sorcières se sont rendues coupables de terribles crimes dans un passé récent, et sont depuis traquées par un corps de police spécialisé, qui les parque dans une mystérieuse prison au fond du désert, sorte de Guantánamo à l'usage du surnaturel. Avec habileté et conviction, l'autrice rationalise le mythe, un peu comme Dan Simmons dans « L'Échiquier du Mal », et nous explique que les sorcières nouvelle manière sont capable, par simple attouchement, de prendre le contrôle des connexions neuronales de leurs victimes, de faire des nœuds avec leurs synapses, afin d'obtenir de parfaites marionnettes humaines. Pourquoi pas ? La littérature fantastique est pleine de ces théories d'allure scientifique, qui font les délices des amateurs.

 

 

Là où je reste plus réservé, c'est quand le monde que nous décrit Sarah Buschmann est le même que celui que nous connaissons, alors que je pense que la révélation de l'existence de ces êtres mutants aurait dû bouleverser le monde entier, à commencer par les gouvernements et la communauté scientifique. Les premiers auraient dû vouloir s'emparer des sorcières afin d'en faire des armes d'espionnage et de manipulation très performantes, La seconde se serait vue obligée de réviser entièrement son paradigme, qui veut que le surnaturel et le paranormal n'existent que dans l'imagination déréglée des auteurs et des lecteurs de « mauvais genres ». Or, le monde que nous dépeint l'autrice est celui que nous côtoyons tous les jours, aucun changement ne l'a bouleversé à l'annonce de l'existence des sorcières...

 

 

Hormis ce bémol qui a mis à mal ma « suspension consentie à l'incrédulité », qui est, je l'avoue humblement, assez faible, « Sorcière de Chair » est un roman agréable à lire, dont l'écriture et le découpage révèlent une grande maturité chez son autrice, et que je recommande à tout lecteur curieux de découvrir l'« urban fantasy ».

 

 

 

Voir les commentaires

DRAGON NOIR - Frédérick Rapilly

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

 

Une mystérieuse escort-girl aussi belle qu'amnésique, rompue à toutes les formes de combat. Un macchabée en cours de décomposition à la place d'un rendez-vous tarifé. Des mafieux issus des républiques caucasiennes ex-soviétiques qui s'implantent en France et qui n'hésitent pas à déclencher des scènes de guerre en plein Paris. Un de leurs parrains, impitoyable et sadique, qui s'initie au surf en République dominicaine pendant qu'INTERPOL attend son improbable retour en Europe pour le serrer. Des flics parisiens qui font ce qu'ils peuvent. Un journaliste rocker, adepte du yoga, chevaleresque et plein de ressources.

 

Voilà quelques-uns des ingrédients rassemblés par Frédérick Rapilly pour nous mijoter un thriller assez classique, mais dynamique et prenant. Voilà aussi la preuve que ce genre de polar d'action peut très bien sortir du stylo d'un auteur français, se dérouler en grande partie dans un cadre connu (j'entends par là : « ailleurs qu'aux États-Unis ») et se révéler tout aussi passionnant. Car « Dragon Noir » est un livre à la mécanique bien huilée, qui pousse à tourner les pages sans s'arrêter, et c'est la preuve du professionnalisme de Frédérick Rapilly. La documentation se révèle sans faille visible, les procédures policières françaises décrites à la perfection, ce qui apporte à l'histoire une vraisemblance qui nous incite à penser que ce récit haletant pourrait se retrouver demain à la une de tous les journaux. De la même façon, les descriptions des lieux où se situe l'action, qu'il s'agisse de la Gare du Nord ou bien de la Dominique, confortent la crédibilité des faits rapportés, sans tomber dans la couleur locale facile ou une certaine complaisance à rajouter des pages sans importance. L'auteur est un journaliste, et ça se sent : les faits d'abord, et rien que les faits, le tout au service de la dynamique de l'histoire.

 

Ajoutons aussi que le simple « thriller » se renforce d'incursions dans le domaine de l'espionnage et de la géopolitique, et là également, la documentation est maîtrisée : on y redécouvre les charmantes pratiques de l'ex-Union Soviétique, car là où se trouvent les Mafias, les Barbouzes ne tardent pas à se retrouver...

 

Enfin, mention spéciale pour la bande-son : chacun des chapitres est précédé par un extrait de chanson, plutôt pop-rock contemporain, ce qui permet de s'immerger davantage dans l'ambiance et le rythme souvent frénétiques de l'action.

 

« Dragon Noir », un thriller à lire le son à fond, et tant pis pour les voisins !

Voir les commentaires

Dimension Violences par Lester

Publié le par Lester - Commenter cet article et avis postés :

 

 

 

Dimension Violences. Rivière Blanche.

 

 

Merci à Philippe Ward.

 

 

 

 

 

Présentation de l'éditeur :

 

 

« Artikel Unbekannt / Schweinhund (TRASH, Rivière Blanche) et Luna Beretta (Violences, GoreZine) sont heureux et fiers de vous proposer cet objet hybride et débridé présentant la substantifique moelle du fanzine Violences. Né de croisements maléfiques, échanges diaboliques et autres alliances méphitiques, ce recueil est à la fois en rupture avec la ligne des fanzines – pas de poésie et seulement deux illustrateurs –, et dans leur continuité évidente.
En effet, les vingt auteurs et illustrateurs figurant au sommaire de ce Dimension Violences ont tous été publiés au préalable dans Violences – le fanzine. Les soixante textes (oui, 60 !) et la demi-douzaine d’illustrations rassemblés ici permettent donc une « extension du domaine de la lutte », tout en restant on ne peut plus fidèles à l’esprit originel – et pour cause. En résumé et pour faire simple : nous sommes ravis de vous annoncer que vous allez prendre cher.
 « Désunis, nous courrons à la catastrophe. Unis, nous y parviendrons » !
Quand Luna Beretta cite Cioran, ce n'est pas une menace, mais une promesse.
Cette rentrée littéraire sera Violente ou ne sera pas. »


 

Rarement un titre aura été aussi honnête et révélateur : « Dimension Violences », c'est du brutal, du direct, du brut de décoffrage, en un mot : du violent. Ce recueil (soixante textes, excusez du peu !) propose un voyage complet (mais peut-on vraiment se montrer exhaustif dans ce domaine ?) et éprouvant dans toutes les dimensions de la cruauté, du trash, de la perversion, du gore. En tout, ce sont vingt auteurs et illustrateurs qui livrent leur vision personnelle de la violence à travers de courts textes imprégnés de personnalités différentes, et de styles très variés. De la courte nouvelle de facture plus ou moins classique à l'écriture expérimentale, de l'autobiographie à peine déguisée au poème en prose, chacun des participants décline un terrifiant panorama de ce qui est inhérent à la nature humaine : la violence, la cruauté, le désir de contrôle et de domination sur l'autre. Sans fioriture, sans prendre de gants (ou alors, des cestes), on a droit à un voyage étourdissant à travers tout le spectre de l'ultra-violence, à côté duquel « Orange Mécanique » ressemble à une expédition de dames patronnesses émules de Gandhi au pays des Bisounours.

 

 

Alors, exhibition gratuite et indécente de tripaille, d'humeurs diverses et de cruautés sans nom, à l'usage exclusif de pervers, cette « Dimension Violences » ? J'y ai trouvé quant à moi une exposition radicale, sans concession, jusqu'au-boutiste, de l'aspect le plus sombre de la nature humaine, qui est le plus souvent occulté par la littérature conformiste. Y est étalée et dénoncée aussi (surtout ?) la violence sociale, sous toutes ses formes, de la plus évidente et brutale à la plus subtile, mais aussi néfaste. Sans oublier la violence à l'intérieur de la cellule familiale, celle qui peut sembler la plus inadmissible, la plus choquante.

 

 

Voilà pour le fond. Concernant la forme, j'ai découvert avec bonheur dans ce recueil une réjouissante diversité d'approches, de styles, qui sert judicieusement le propos et le parti-pris des anthologistes, Luna Beretta et Artikel Unbekannt, dont j'aurai certainement à vous reparler. Chaque auteur présent possède sa voix propre, son ton spécifique, ce qui évite l'impression de monotonie qui peut être ressentie à la lecture d'une anthologie thématique. Difficile -impossible est le mot exact- d'exprimer une préférence, et encore moins un classement parmi toutes ces approches différentes et ces talents variés. Mais je garderai sans doute longtemps le souvenir de « Xenogreffe » (Luna Beretta), de « Panique » (François Fournet), ou encore « Mondo Merdo » (Schweinhund) et « Exemple d'Utilisation des Forces productives dans une Économie mondialisée » (Christophe Siébert). Pas forcément un souvenir rassurant, au contraire, mais c'est le but de l'exercice...

 

 

À une époque où la littérature de bon goût se complaît et s'enlise dans l'automphaloscopie vertigineuse (1), un livre comme « Dimension Violences » constitue une surprise salutaire, unique, comme un électrochoc qui réveillerait un corps social engourdi. Ou, comme l'écrit Luna Beretta : « une expérience parfois dure, mais indubitablement nécessaire ».

 

 

(1) Néologisme personnel : « contemplation béate de son propre nombril, au risque d'y tomber, propre à de nombreux auteurs de littérature conformiste, »

 

 

Lien d'achat.

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4