Justine Niogret

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De rouille et d’os : Justine Niogret, forcément.

 

Certains prétendent que Justine Niogret fait dans la Fantasy. Je pense qu’ils ont tort. Ou alors il s’agit dans son cas d’une Fantasy si farouche et sauvage qu’elle fait valser toutes les étiquettes. Parce que Justine, les petites fées en sucre et les gros nains rigolards, ça ne l’intéresse pas. Ses textes sont viscéraux, indomptables… et inclassables. Les bons vieux adjectifs clichés (« dark », « heroic », j’en passe et des plus saugrenus) aggravant souvent la cause d’une Fantasy contemporaine qui n’en finit plus de bégayer l’héritage de Tolkien glissent comme de l’eau de pluie sur l’armure inoxydable de Dame Niogret.

Elle-même ne se considère d’ailleurs pas comme un auteur de Fantasy. Son cœur penche du côté de l’Histoire, même si c’est une Histoire que l’on n’a pas l’habitude de rencontrer dans les manuels scolaires. En effet, Justine a coutume de promener son lectorat dans un domaine où le rêve - sa vision fantasmée de l'histoire - rencontre la réalité - sa connaissance objective de l'histoire. Et ça fait des étincelles. Car sa signature très singulière lui permet d’allier métaphores « éthérées » et séquences de pure brutalité. Alternant des fulgurances d’une grande sécheresse où les mots claquent comme des coups de fouet et quelques passages plus apaisés, elle parvient grâce à son sens de l’harmonie à un équilibre aussi charnel que poétique.

L’auteur dit en outre que sa « manière » relève du symbolisme. Mais un symbolisme brutal et intime à la fois, qui emporte et qui accroche, bien loin de toute dérive abstraite et hermétique. Son style tout en saccades et en ruptures de ton anime ses peintures au couteau d’une vie intense et impossible. Avec tout ce qu’elle donne comme odeurs, matières, fluides, avec la violence de ses descriptions de combats, il est impossible pour le lecteur de rester à l'extérieur. Il entre dans le vif du sujet, autant que le récit lui rentre dans le lard. Quand les personnages se font littéralement « casser la gueule », on le ressent dans nos tripes. Des scènes terribles impulsant une violence et une fureur si sauvages qu’elles renvoient l’homme à sa part de bestialité, mais aussi (et parfois en même temps !) de purs moments de grâce élémentaire, dans le sens originel du terme. Alors du symbolisme certes, mais sur la palette de Justine Niogret il y a des nuances inédites.

Des nuances qui parfois vous conduisent à interrompre votre lecture parce que vous vous sentez comme un boxeur sonné après avoir encaissé un bon gauche-droite. Ou comme un aventurier hypnotisé par les reflets étincelants d’un trésor mythique. Et là vous vous demandez si l’auteur se rend vraiment compte de la puissance de ce qu’elle écrit. Vous ne voulez pas jeter l’éponge, mais vous avez besoin d’un temps mort. Alors vous cherchez une personne qui a lu le même livre pour en parler avec elle. Parce que vous vous dites : tout ça pour moi tout seul, c’est trop. C’est que l’œuvre de Justine est à la fois profondément personnelle et vraiment universelle. Elle comporte quelque chose de lumineux et d’évident qui ravage tout sur son passage et remet les idées en place. Bien que, paradoxalement, elle puisse donner l’impression d’être en train de rêver quand on la découvre.

Car les rêves, parfois, amènent une distance, alors qu'au contraire les écrivains voudraient faire ressentir de la proximité. Certains contournent cet écueil en décrivant des hallucinations. Ce qui est une bonne manière de dépeindre une réalité modifiée, dégradée. Mais Justine Niogret n’a pas besoin de ce subterfuge. Elle n’avance pas masquée. Elle prend les songes à bras-le-corps, les étreint, danse avec eux. Y ajoute de la sueur, du sang et des larmes. Et peut-être d’autres substances moins avouables, aussi. Alors si vous voulez savoir comment elle s’y prend pour donner du corps aux rêves et pour convoquer vos démons familiers, si vous voulez connaître ses filtres magiques, foncez chez votre libraire préféré et saisissez-vous de ses livres avant qu’ils ne se saisissent de vous.

Vous pourrez d’ailleurs constater que leurs titres annoncent franchement la couleur : de Chien du heaume à Cœurs de rouille, de Mordre le bouclier à Mordred, de son hélas introuvable recueil de nouvelles Et toujours, le bruit de l’orage à son fracassant Post-Apo Gueule de truie, difficile de faire plus lapidaire et évocateur à la fois. Quelques pages vous suffiront pour être sensible aux mots contenus dans ces ouvrages, à leur force, à la rage distillée qu'ils portent, mais aussi à cette façon qu’ils ont de toujours toucher leur cible au coeur. Alors, Justine Niogret, une main de fer dans un gant de velours ou l'inverse ? À vous de voir, mais une chose est certaine : ses claques ressemblent à des caresses. Et inversement, donc.

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Intro Bayou

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Chers compatriotes, à l'occasion de la sortie de mon nouvel opus chez TRASH, nous avons remis une autre bannière décorative et ce billet inaugure une catégorie BAYOU qui s'ajoute à nos deux précédents romans gore.

Je ne vais pas épiloguer longuement sur ce merveilleux bouquin digne d'un Goncourt, car nous en reparlerons au fil des retours de lectures de notre fidèle lectorat. BAYOU c'est avant tout un roman de 150 pages, prologue, 28 chapitres, épilogue et bonus. Contrairement à NIGHT STALKER, dont je me suis confronté à une trame formelle et biographique (grossièrement détournée, je vous l'accorde), l'univers de BAYOU est totalement imaginaire et jouissif. BAYOU, c'est aussi une remarquable illustration de Willy Favre et un bandeau promotionnel de DIMENSION TRASH paru chez nos amis de Rivière Blanche.

Ayant reçu mon exemplaire, je l'ai relu en deux jours chrono. Vous trouverez sans doute très con qu'un auteur relise son propre bouquin mais, détrompez-vous, je vous garantis que le plaisir et la surprise sont inégalables. Lorsque vous avez ruiné vos yeux sur un écran et passé des heures à échafauder des chapitres, le résultat final ressemble à un fichier Word qui vous sort par les trous de nez. Avec le bouquin, c'est différent. Vous redécouvrez une âme et une ossature.

Bref, ce bouquin m'a plu. Vraiment. Je me suis même surpris à rigoler sur certaines situations, plongé dans les descriptions des marécages et des scènes macabres. L'intrigue me semble cohérente et fouillée dans les moindres détails. Ainsi, je le trouve plus proche de mon style véritable, plus approfondi, plus décalé et surtout plus personnel. J'ai toujours apprécié le vaudou, les sociétés secrètes, le bayou, les gens repliés dans une confondante sauvagerie. J'ai mêlé tout ceci pour en tirer une histoire. Certains penseront à Délivrance, mais ce fut Southern Comfort (Sans retour) de Walter Hill qui m'a inspiré. J'espère que ce livre vous plaira autant que moi. J'aime à penser qu'un auteur doit être amoureux de son ouvrage pour satisfaire ses lecteurs. Et TRASH m'a tracé la route. Comme jamais. Comme toujours.

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Les contes rouges - Les Artistes Fous Associés

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Diantre, voilà un bon petit recueil de sept nouvelles pour un petit prix. L'éditeur nous promet "du sang, de la viande et de la violence !" C'est le cas. En préambule, TRASH ÉDITIONS rappelle les liens forts qui existent entre les deux partenaires, un libre échangisme d'auteurs. Avant de commencer cette chronique, je tiens à féliciter Maniak, l'illustrateur de cette remarquable couverture. Elle envoie du lourd.

Faut dire que je me suis avalé cette anthologie en une journée. D'ailleurs, je fus ferré dès le premier récit d'un certain Julien Heylbroeck. C'est l'écrivain dont je me sens le plus proche au niveau du style, de l'intrigue et de l'atmosphère série B. Les damnés de la puer est un parfait hommage Hutsonien vs Hooper. Fermes isolées parmi les champs de maïs, gnomes mutants, savant fou... tout se termine dans un carnage délirant façon Braindead. Ça gicle dans tous les sens et c'est bon ! J'ai apprécié l'environnement des lieux que les lecteurs de Midget Rampage reconnaîtront aisément. Murabito de Gallinacé Ardent surprendra par le thème choisi. Nous ne sommes pas loin de "Erèbe ou les noirs pâturages", puissance dix. Texte court mais violent. Et l'écriture est tout simplement remarquable d'aisance et d'efficacité.

Le goût du sang de Lila V. est une micro-nouvelle d'une seule page. L'auteure revisite le thème du vampire chez le gynéco ! Grossesse et folie sont traitées avec génie dans Au nom de la mère de Marie Latour et Contre-nature de mon pote Schweinhund. C'est poisseux, psychotique, glauque et dérangeant. Écritures fiévreuses et hallucinées. Du grand art.

Chose rare, Corvis nous développe, en quelques opus, des sonnets et alexandrins apocalyptiques et mystico-religieux. Crise de foi, ou Un bon coup de rouge écarte Verlaine et Rimbaud d'une gifle violente. "Jésus mordit ses fils et dévora ses ouailles. L'armée des morts grossit sur le champ de bataille. Et au sein des agneaux grandit le désespoir". Putain que c'est beau ! Et on termine ce recueil avec Wolf Rock de Diane en entrant dans la tête d'un serial-killer complètement ravagé. C'est franchement gore et pervers, à la manière d'un Christophe Siébert dans ses meilleurs jours.

Pour un ridicule petit billet de cinq euros, achetez ce condensé d'horreur de 120 pages. C'est une friandise pour les amateurs du genre. Une sucrerie pour vos caries. Ah merde, j'oubliais ! Mention spéciale aux illustrations intérieures de Stef-W. Vous voyez, rien à jeter dans ce bouquin. Sauf peut-être quelques entrailles pourrissantes laissées sur un coin de table. Bon appétit les amis...

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Bayou fights Trash

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C'est bon les amis, les numéros 16 à 18 sont désormais disponibles sur la boutique de TRASH ÉDITIONS. Dans ces périodes troubles que nous vivons, offrez-vous des lectures charnelles et angéliques. Une fois encore, les thèmes sont multiples, afin d'étoffer la palette gore et de titiller vos sens les plus vils. Survival, WIP et KKK sont à l'ordre du jour.

Je profite de cette occasion pour vous annoncer la parution de mon second opus chez TRASH. Le numéro 18 nommé sobrement BAYOU. Marécages putrides à Crooked Bayou, flics obsédés, KKK, vaudou, réincarnation, inceste, zoophilie, lynchages en masse, pulsions sexuelles, gros seins, fellations diverses et variées, médium, prêtresse, braconnage... je me suis lâché comme jamais pour satisfaire notre fidèle lectorat.

Je remercie Willy Favre qui, une fois encore, a illustré mon bouquin avec brio, comme ce fut le cas avec NIGHT STALKER (magnez-vous, il reste quelques exemplaires). Je tiens à signaler également la sortie de GRETA, premier roman de ma copine Catherine Robert, membre que je connais depuis une dizaine d'années et co-administratrice de l'Écritoire des Ombres. Depuis ses balbutiements scripturaux au Manoir du fantastique, la garce a progressé et nous délivre ses instincts primaires avec talent. Je vous encourage donc à découvrir cette auteure juste et passionnée. Son seul défaut est d'être Belge, mais TRASH aime les indigènes.

Pour conclure, la sortie de ce trio de choc fera l'objet d'une nouvelle catégorie consacrée à mon BAYOU et l'actualisation de notre bannière. Léonox et moi tenons à remercier chaleureusement les visiteurs assidus (ou de passage) de notre blog, chaque jour plus nombreux. Nous présentons aussi nos sincères condoléances aux familles endeuillées de ces terrifiants attentats qui déchirent notre beau pays. Le gore peut sembler cruel, mais la réalité nous prouve que nous sommes des plaisantins. Alors amusez-vous avec nos bouquins, déconnez, buvez, vivez. Prouvez que la barbarie ne touchera jamais l'essence de notre nation. Vive la République, vive la France, vive TRASH.

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Nécrorian

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« Ce qui me fascine dans le gore, c'est que les hommes sont capables des pires paroxysmes. C'est pour ça que je ne fais pas intervenir de monstres ou de créatures abominables venues d'ailleurs, parce qu'alors, ce n'est plus du gore, mais ça vire au fantastique, et moi, dans ce cas-là, je n'y crois plus. »

Nécrorian est un maître, et je ne peux que souscrire, du moins globalement, à ses propos. Comme lui, je pense que le Gore et le Fantastique n'ont pas grand-chose en commun. Je serai néanmoins un peu plus nuancé en ce qui concerne certaines de ses catégorisations. Pour moi, le Gore est à l'épouvante ce que la pornographie est à l'érotisme. Une version paroxystique certes, mais l'un n'exclut nécessairement pas l'autre. Personnellement, je tends d'ailleurs vers une formule graduelle qui me permet de mêler les deux. L'important est de ne jamais perdre de vue que tous les moyens sont bons pour pénétrer l'intimité du lecteur et l'amener à une expérience si extrême qu’il ne pourra pas l’oublier.

Nécrorian a dit par ailleurs : « l'éventration pour l'éventration, ça ne sert à rien ». Je suis d'accord si cette phrase signifie qu'il est impossible de se passer d'un scénario. Peu importe le genre auquel il appartient : un roman doit raconter une histoire, point barre. En revanche, je ne suis pas de l’avis de l’auteur de Blood-Sex quand il prétend qu' « on ne peut pas aller tellement plus loin » (sous-entendu « que la collection Gore »). Des romans comme Nuit Noire et MurderProd apportent à eux seuls le plus cinglant des démentis à de telles assertions. Alors non, je ne crois pas que le Gore soit mort avec la collection éponyme, même si en effet le genre s'est peu à peu affadi en étant récupéré par la littérature fantastique classique.

Néanmoins, je rejoins complètement Nécrorian quand il dit que les genres sont poreux. Ah, vous avez voulu vous accaparer notre jouet ? Qu'à cela ne tienne, nous dénaturerons les vôtres ! S’il veut survivre, le Gore doit accepter d'aller fouiller dans les poubelles afin de retrouver son identité perdue. Ni Dieu ni maître, ni censure ni concession, et les choses redeviendront claires. Il existe une scène Gore cinématographique underground et totalement irrécupérable, à nous de recréer son équivalent littéraire avec du sang neuf, et « longue vie à la nouvelle chair » !

Car si la collection Gore fit beaucoup pour la popularisation du genre, l'aspect « cadence-production » et le rythme de parution effréné contribuèrent dans le même temps à son appauvrissement. Je ne suis pas loin de penser que le Gore a été un peu prisonnier de sa propre surenchère. Il est possible que tout y ait déjà été tenté. Sauf que tenter n’est pas réussir.

Il y a l'art et la manière, le lard et le cochon : ce qu'il faut c'est deux ou trois idées fortes, un scénar musclé sec, un style frénétique, obsessionnel, et la volonté de mettre les mains dedans quand il faut. C'est pour ça que mes bouquins Gore préférés sont l'oeuvre d'auteurs issus du Néo-Polar français. Le Gore, c'est l'intimité profanée, les corps meurtris, la violence, la prédation, et mors ultima ratio. En gros, ni plus ni moins que ce qu'on voit à la télé au journal de vingt heures. J'en écris parce que je n'accepte pas qu'on me tende cet insupportable miroir. J'essaie de désacraliser la mort gore du corps et de garder la main tant que je le peux. Bien sûr, c'est peine perdue.

Mais le désir de briser les tabous est vieux comme le monde, celui de transformer la boue en or aussi. Dans l'Antiquité, les oracles lisaient l'avenir dans les entrailles. Depuis la nuit des temps, le sang coule du ventre des femmes chaque mois. Le Gore a connu ses propres cycles menstruels. Comme tous les genres populaires, il se régénèrera.

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Green Tiburon

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Connaissant l'auteur, je savais déjà qu'il possédait un imaginaire incroyable, subtil, fourni, atypique et diversifié (au fait Julien, j'ai bien reçu ton chèque pour cette chronique). Mais avec les aventures de Green Tiburon, je me suis régalé comme jamais. Ça ne m'étonne pas que Julien Heylbroeck soit un des piliers du Carnoplaste, de TRASH sans oublier les diverses anthologies et autres éditions où cet écrivain parvient à faire éclater son style flamboyant.

Je ne connaissais pas l'univers des luchadores, catcheurs mexicains luttant contre d'abominables méchants. Je vous invite donc à découvrir les deux opus consacrés à ce catcheur charismatique, drôle, charmant (et charmeur), sorte de James Bond avec des muscles.

Les fans du genre apprécieront forcément toutes les trouvailles de l'auteur : archipel perdu, savants fous, antres secrets, disparitions étranges, créatures mutantes, sectes maudites, complots communistes, invasion martienne... Mais Heylbroeck ne s'arrête pas là, il faut qu'il en rajoute. Des louves-garous du KGB par exemple ! Il faut le lire pour le croire. Tout est cohérent, endiablé, puissant. Je n'oublie pas non plus les combats de catch qui parsèment l'intrigue pour notre plus grand plaisir. Ce sera avec une impatience de lecteur fidèle que la future sortie du troisième épisode est espérée. Et les adorateurs de Lovecraft se retrouveront dans cette atmosphère sud-américaine.

Toutes les infos sur le site du Carnoplaste.

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Le projet Shiro - David S. Khara

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Duo mortel : Le projet Shiro, de David S. Khara.

 

Après les résultats stupéfiants du Projet Bleiberg (plus de 100 000 exemplaires vendus tous supports confondus, en incluant les traductions à l’étranger et la sortie en poche chez 10/18), David S. Khara ne tarde guère à mettre une suite en chantier. Un deuxième livre écrit en deux mois (!!!) qui, non content de confirmer les espoirs suscités par son prédécesseur, transcende son personnage principal, le supra-ordinaire Eytan Morgenstern, agent du Mossad doté d’un passé décomposé et d’un futur en points de suture…

L’auteur du Projet Bleiberg réussit en effet la spectaculaire performance de délivrer à ce roman ô combien enthousiasmant une séquelle qui, tout en transformant les nombreuses qualités déjà identifiées en véritable « marque de fabrique » (écriture d’une rare fluidité, sens du rythme et du découpage digne des meilleurs films d’action, suspense haletant, scénario en béton armé et dangereux), trouve une densité supplémentaire en plongeant dans l’intimité de personnages aussi singuliers que pluriels…

Car David S. Khara manie l’art de surprendre son lecteur avec une habileté consommée, et les retournements de situation abondent tellement dans Le projet Shiro que même Eytan Morgenstern, notre « super-héraut » humain, trop humain, a parfois du mal à retrouver ses petits… Il faut dire à la décharge du « ronin » israélien que certaines données cruciales, tenues pour acquises à la fin du Projet Bleiberg, se trouvent ici brutalement remises en question, la moindre d’entre elles n’étant pas celle qui concerne le fameux Consortium…

Chausse-trappes, marchés de dupes et faux semblants, le monde de l’espionnage est ici d’autant plus trouble que les organisations en présence ne sont pas toutes gouvernementales… Tout comme son prédécesseur, Le projet Shiro pousse ainsi les portes les mieux gardées de l’histoire « officielle » - ici celles de l’abominable camp 731, où les Japonais s’adonnèrent durant la seconde guerre mondiale à des expériences que jalousa sans doute Mengele - pour parvenir à un présent contaminé par les radiations d’un coupable oubli. Face aux mécaniques de mort qu’il a lui-même inventées, l’homme pourrait bien finir broyé entre les mâchoires de bêtes aussi immondes qu’avides…

Voilà d’ailleurs quasiment le seul vrai point commun « technique » entre Le projet Bleiberg et son successeur car, outre les flashbacks, toujours aussi judicieusement distillés, David S. Khara évite les redites avec brio et opte pour une narration encore plus immersive. Eytan est ici le protagoniste central, et le lecteur va progresser à son rythme au fil d’une intrigue dont il ne maîtrise pas les tenants et aboutissants. Pire, le « kidon » va se trouver contraint de collaborer avec une personne aussi dangereuse que lui, qui a priori ne songe qu’à l’égorger… Véritable révélation du livre, la tueuse Elena trouve ici un rôle à sa mesure et, au fil des pages, dévoilera un tout autre visage que celui, fermé et froid, de l’assassin robotique qu’on a conçu pour elle… Elle et Eytan ont beaucoup plus de points communs qu’ils ne veulent l’admettre, et c’est un pur bonheur de les voir faire la guerre comme d’autres font l’amour…

Une des grandes réussites du roman est d’ailleurs de maintenir en permanence un subtil équilibre entre scènes d’action chorégraphiées comme dans un film de John Woo et séquences contemplatives à haute teneur émotionnelle. Dans Le projet Shiro, Eytan, quand il n’est pas blessé, demeure toujours en mouvement - mention spéciale à son périple tchèque, où il se révèlera aussi efficace que faillible - mais deux de ses trajets retiennent particulièrement l’attention : l’un d’entre eux le mènera vers un lieu retiré du monde, dont l’évocatrice peinture en dit long sur l’homme qui y a élu domicile… L’autre voyage, également effectué par voie maritime vers d’autres temps et d’autres lieux, nous offrira comme un cadeau un souvenir aussi précieux qu’inoubliable, d’autant qu’il est ici restitué avec une justesse et une sincérité qui transperceraient le plus efficace des gilets pare-balles…

Le projet Shiro n’est donc pas un « Bleiberg bis » mais un « Bleiberg plus », c'est-à-dire que l’auteur relève le défi haut la main, en étoffant cette vraie-fausse suite d’éléments nouveaux, de révélations décisives, de prolongements inattendus, de personnages qui se montrent sous un jour différent… Soit le principe même d’une série réussie, qui veut que le dernier élément apporté n’annule ni ne remplace le précédent, mais le complète en l’améliorant. C’est ainsi que le Duo mortel du titre comporte un triple sens : ce fut tout d’abord un grand film d’arts martiaux dû au maître Chang Cheh, et c’est aussi une façon assez juste de présenter le « couple » formé par Eytan et Elena. Mais c’est aussi et surtout une manière de clin d’œil à la « signature » de David S. Khara. À sa plume de fer dans un stylo de velours.

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Décharges - Jean Viluber

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Ouh la claque ! L'atmosphère de ce roman est formidable. Du G.J Arnaud sous ectasy. Le style de l'auteur est parfait, presque académique. Winburg, petite ville allemande nichée entre le fleuve Elver et les usines chimiques. Dans ce trou, deux personnages survivent à leur façon. Maus, un jeune homme à faciès de rat, croupit dans une décharge. Pas loin des détritus, une vieille habite dans une baraque où s'entasse tout un bordel dans des pièces closes et labyrinthiques. C'est Mémé Poubelles, Salomé de son prénom. Dans cet univers glauque et poisseux, un gamin nommé Peter est confronté à la violence familiale, entre un beau-père taré et un demi-frère violeur. Sa mère se fait tabasser et épiler les poils du cul tandis que le demi-frère aime racoler des gonzesses jeunes et timides pour les menotter au radiateur. Tout ceci sent le foutre et la vinasse.

Il ne faut pas oublier le gardien de la décharge (qui devient un zombie psychopathe), la patronne perverse et bourgeoise de la boulangerie (dont la principale activité est de de faire trimer la mère de Peter), les services sociaux qui tentent de mettre Salomé dans un hospice pour récupérer son terrain et d'en faire un parking et le fantôme du mari de Salomé.

Tout ce beau monde va mêler ces existences perdues et décomposées dans un climat social misérable et désespéré. À travers les séquences macabres, l'amitié entre Salomé et Peter est une bouffée d'espoir. Ce bouquin est remarquablement écrit et l'illustration de couverture est de haute volée. Je peux affirmer, sans me tromper, que Viluber fut le Balzac du Gore.

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Bloodfist par Catherine Robert

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Au moment où elle a découvert Bloodfist, Catherine Robert n’avait pas encore écrit une ligne de ce qui allait devenir le 17ème roman de la collection TRASH. Aussi la chronique suivante n’est-elle en rien partisane. Et elle me fait d’autant plus plaisir qu’elle émane d’une auteure de talent en plein essort, ainsi qu’en témoignent ses trois nouvelles publiées cette année :

 

La collection TRASH, c'est un peu l’héritière de la défunte collection Gore chez Fleuve noir. C'est donc du violent, du sanglant, du malsain, du dur. Les réfractaires au genre auront envie de fuir leurs romans, mais ce serait rater des curiosités comme Bloodfist, un gore plus psychologique qui nous entraîne dans la psyché d'un jeune sociopathe. Dans sa psyché, mais aussi en spectateur de ses actes extrêmes.

Bloodfist est atypique, étrange, spécial et différent. Une plongée cauchemardesque dans les pensées d'un être asocial et psychopathe. Tandis qu'autour de lui s'agitent un gourou et un enquêteur, tous deux aussi borderline que le personnage principal. Un roman qui m'a beaucoup plu, par son ambiance glauque, torturée et désespérée. Pas de répit dans cette histoire, aucune oasis à laquelle se raccrocher, on nage dans la perversité et on en redemande.

Mais si on y plonge aussi facilement, c'est également du fait d'une écriture ciselée, un jeu sur la langue et les mots, une parfaite maîtrise du français qui participe grandement à l'atmosphère horrible. Le gore est là, pas de doute, mais il est au service d'une histoire intéressante et très bien écrite, qui nous prouve que ce n'est pas parce qu'on offre de la tripaille, qu'on doit le faire n'importe comment.

Bref, un auteur à suivre, un livre à lire pour tous les amateurs de littérature sans tabou. conseiller à tous ceux qui aiment et à tous ceux qui sont curieux de la découverte. Ainsi qu'à tous ceux qui n'aiment pas. Car c’est une belle occasion de voir que le genre propose du bon, même du très bon.

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Le retour des morts-vivants - John Russo

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Assurément, mon préféré de la trilogie. D'un ton plus gory et moins vieillot que les deux précédents opus, l'atmosphère se rapproche d'un "Street Trash" et il me tarde de visionner la version ciné de O'Bannon.

Toute l'intrigue se déroule en une seule nuit. La galerie de personnages est stéréotypée, mais elle fonctionne à merveille. Pour son deuxième jour de travail, Freddy est manutentionnaire chez Uneeda Medical Supply, un entrepôt stockant des squelettes, des animaux empaillés, fournitures médicales pour les universités et facultés. Son chef Frank Nello lui montre de curieux containers entreposés au sous-sol. Ils contiennent des cadavres baignés dans un liquide, de la Trioxine, cachés par l'Armée depuis le Vietnam. Forcément, ils font tomber un container et un gaz se répand. Avec l'aide d'un collègue embaumeur, ils brûlent le cadavre revenu à la vie dans un incinérateur. La fumée se dissipe dans les nuages et une pluie acide ranime les morts du cimetière...

Ici, le traitement est totalement différent et original. Impossible de tuer ces zombies. Même décapités ou mutilés, ils continuent à bouger ! Ils ont aussi le don de la parole, sont plus rapides et violents. On se paye une bonne tranche de rigolade lorsqu'une fillette morte-vivante appelle les secours à la radio. En parallèle, les amis de Freddy forment une bande de zonards, des punks à la recherche d'amusements crapuleux et de fornication sauvage. Tout ce microcosme va batailler dur contre la horde de cannibales et l'espoir de survivre sera vain. Le final conclut les événements dans un grand déluge de feu. Pour les fans de séries Z ambiance eighties, ce bouquin est vital et se dévore en quelques heures.

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