Emoragie - Brain Salad

Publié le par Tak

 

 

 

 

 

J'ai passé un excellent moment avec cet opus Trash, qui m'a embarqué dans son Londres occulte et puant de freaks psychopathes en tous genre. Bien sûr, l'influence Barker est présente (comme certains ont déjà pu le noter), mais j'y ai retrouvé un peu aussi de ce foisonnement présent dans le Perdido Street Station de China Miéville – qui reste l'un de mes sommets, en matière de construction d'univers au sein d'une ville tentaculaire emplie de monstres et concepts en tous genres. De ce côté-là, rien à dire : c'est super original et chaque page regorge d'idées et de trouvailles diverses.


Et puis après, il y a ces personnages hauts en couleurs, complètement tordus et fuckés de l'intérieur, renforçant encore l'aspect trash, malsain et décalé de l'univers. J'ai adoré Lorena, forcément, mais Octane, Bible John ou les divers intervenants – à l'image de cet improbable trio du début – valent bien le coup d’œil également : belle bande de tarés et de marginaux tentant de se faire une place dans ce Londres magique aussi malade que dépravé.

 

Quant à la touche gore, elle est là, bien présente, mais elle passe toute seule en appuyant l’aspect sordide et poisseux de l'univers proposé. Elle lui donne même une couleur particulière, comme un Barker complètement décomplexé qui ne reculerait devant rien pour nous dépeindre la folie rampante de ce milieu interlope aux relents de souffre et de déjections en tous genres. Le côté punk et brut de décoffrage du personnage principal répond aux ignominies crasses des autres protagonistes, offrant différents contrastes dans les gammes du rouge et du graveleux. Certains passages sont aussi atroces que « tordants » à leur façon (si l'on peut dire) dans leur absurdité, tout en gardant cette approche frontale et sans concession. J'ai beaucoup aimé cet aspect.

 

S'il n'y avait peut-être qu'un très léger bémol à formuler, je dirais juste qu'une fois compris la psyché et les motivations de l'héroïne, sa quête en forme de vengeance devient assez prévisible, une fois arrivé aux deux tiers environ du roman. De même, j'aurais aimé en savoir plus sur son apprentissage de la magie, avant de la voir passer d'un extrême à l'autre (on a l'impression en effet qu'elle devient rapidement une magicienne confirmée, écrasant sans trop de mal la plupart de ses antagonistes... alors qu'elle était pourtant « novice » quelques jours plus tôt, à peine). Bien entendu le format de la collection joue, mais un ou deux chapitres supplémentaires de ce côté-là ne m'auraient pas dérangé.

 

Ceci dit, je reste sur une excellente impression, aussi bien au niveau du style que du foisonnement d'idées sous-tendant la construction de cet univers complètement barré et envoûtant à la fois. Quant à l'intrigue, c'est net, carré et sans un poil de gras. En lisant entre les lignes, on peut peut-être aussi y déceler un propos sur les grosses corporations s'alignant sur un discours propre et aseptisé pour mieux nous la mettre à l'envers par-derrière. N'est-ce pas sur ce schéma même que fonctionne notre propre société ?

 

Machine étatique ou grosses multinationales : toutes baignent finalement dans le même bain, marchant main dans la main. Et on a tous en nous un brin de Lorena qui a envie de foncer dans le tas pour foutre tout ça en l'air... En ce qui me concerne, je m'y suis totalement retrouvé.


Bref, un excellent roman vite lu mais qui laisse une belle empreinte, ne serait-ce que par son univers riche, tordu et bigarré. Et je ne suis pas près d'oublier non plus cette savoureuse galerie de freaks et « streums » en tous genres. Un très bon roman en définitive : merci à BrainSalad pour cette grande bouffée d'air frais !

 

Rappel de la chronique de Zaroff sur "Emoragie".

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C
C’est rare de trouver ce genre de livres malheureusement ! merci pour la découverte. <br /> Bonne journée
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