Sorcière de chair - Sarah Buschmann

Publié le par Zaroff

 

 

C'est une grande fierté de chroniquer le premier roman de Sarah. J'ai connu cette femme, encore adolescente et innocente, au Manoir du Fantastique. Et quel chemin parcouru depuis ! À force de remise en question, de recherches de style, elle a commencé à se forger un caractère sombre, évocateur et non dénué d'intérêt. À la lecture de ses nouvelles, on devinait déjà l'auteure en devenir, reprenant inlassablement son travail pour en tirer le meilleur (et le pire pour nos prudes lectures). On suppose que son périple en Australie lui a procuré des émerveillements, des craintes dans le bush sauvage et surtout de nombreuses interrogations. Car c'est ce grand et puissant pays insulaire qui est le personnage central de « Sorcière de chair ». De Darwin à Sydney en passant par Melbourne, l'auteure nous emporte dans un tourbillon de meurtres rituels et démoniaques. Et quelle bonne idée d'avoir mélangé le thriller urbain et l'ésotérisme ancestral de l'Australie. On navigue entre l'horreur et la perplexité, le scientifique et la peur primale. Certains pourraient reprocher à Sarah un aspect « bit-lit » à la chose (ou « Young adult » comme je l'ai aperçu dans d'autres articles) mais c'est ne pas savoir lire entre les lignes. Comprendre le tissage subtil de l'intrigue, la destinée et la vengeance, un pouvoir maléfique susceptible d'anéantir une personnalité.

 

L'approche des crimes est déroutante : les victimes se mutilent sous l'emprise de la sorcellerie et par le contrôle de certaines zones du cerveau (mémoire, volonté...). Ici, on n'évoque pas les grimoires et les potions ou d'autres clichés maintes fois décrits. C'est une sorcellerie plus actuelle, de l'Urban fantasy contemporaine dans un pays où les périls sont nombreux. L'écriture est enlevée, mature, documentée sans lourdeurs... et le gore subtil est semé par petites touches dans une enquête où les flashbacks recentrent le vécu de l'inspectrice, son passé et ses difficultés à poser un masque neutre sur un corps meurtri et haineux.

 

Pour ma part, il m'a manqué le côté plus rustique et rural de l'Australie et principalement le désert de Simpson où les sorcières sont enfermées dans une prison. Ce lieu a titillé mon imaginaire et j'espère fortement que la suite de ce livre (et je crois savoir qu'elle existera un jour) se déroulera dans ce décor. Alors, ce futur diptyque prendra plus d'ampleur, de force et d'unité, mêlant la solitude des villes et la virilité des espaces dépeuplés. Sarah aura les tripes pour nous embarquer dans un univers plus glauque qui ne demande qu'à s'accroître.

 

Que dire de mieux ? Pour un premier roman, celui-ci est déjà nominé pour les Prix Masterton et Bob Morane. Ça vous la coupe, hein ? Non, c'est juste un hommage assumé à Sarah qui ne laisse personne indifférent. Même si sa longue jupe cache une jambe de bois sous un moignon de genou gangrené, Sarah est une belle personne. Mais méfiez-vous de son sourire enjôleur, y a de la sorcière là-dessous !

Commenter cet article