Midget Rampage / Ravageuse - Partie 2
Ravageuse/ Midget rampage : Patron, un autre !
Comme je l’indiquais lors de ma chronique de Midget Rampage, il arrive que Le Carnoplaste mette les bouchées doubles, pour le plus grand plaisir de ses lecteurs gourmands – et inconscients. Parce que je rappellerai quand même au passage que « Carnoplaste » signifie « sculpteur de chair »… Alors si jamais en ouvrant ce beau fascicule vous entendez la voix de Robert Darvel vous murmurer à l’oreille un suave : « Et maintenant je vais vous injecter une double dose, ne vous inquiétez pas, au début ça fait un peu mal mais c’est bon pour ce que vous avez », ne venez pas vous plaindre.
Nullement intimidée par son voisinage avec le tumultueux Julian C. Hellbroke, l’énigmatique Irène Maubreuil délivre quant à elle avec Ravageuse rien moins qu’un « Western subaquatique » ! Un cadre original et haut en couleur, planté de façon spectaculaire à l’aide de force descriptions baroques, dans lequel s’épanouissent Asiates Troglodytes Amphibies, pistoleros crasseux et autres filles de joie au nez davantage poudré à l’intérieur qu’à l’extérieur. Mais le mal rôde autour de Rain Bluff, et les étranges créatures mutantes peuplant l’océan vertical aux confins du Desert Tide ne sont pas forcément les plus dangereuses.
Une sombre confrérie d’encagoulés semble exercer une maléfique emprise sur les habitants de la petite ville, et la plantureuse Lady Godiva, un peu trop à l’écoute des fidèles clients qui défilent dans son lit chaque soir, va en faire l’amère et terrible expérience…Car c’est bel et bien de Rape and revenge qu’il s’agit ici, avec toute la barbare cruauté que ce terme induit, et si l’on apprécie le talent de l’auteur pour croquer une galerie de personnages tout droit sortis d’un film de Sergio Corbucci, c’est pour mieux être estomaqué par l’effroyable violence dont certains d’entre eux se rendent coupables.
Un peu comme si les « acteurs » d’Irène Maubreuil, après avoir tourné dans le crépusculaire Retour de Ringo, avaient directement enchaîné avec le tétanisant Day of the woman, de Meir Zarchi ! Un mélange des genres particulièrement efficace et explosif, culminant à la fin du premier acte par une scène déchirante – et c’est vraiment le cas de l’écrire – mettant sans vergogne le lecteur face à son seuil de tolérance…
Ne cherchez pas pour autant dans Ravageuse une réponse à l’épineuse question « le Rape and revenge est-il un genre crapuleux ou féministe ? ». Irène Maubreuil n’est pas là pour donner une leçon, mais pour raconter une histoire divertissante, et elle le fait avec une verve si pétillante que, sans jamais oublier de traiter son sujet avec un sérieux imperturbable, elle parvient à maintenir le cap sur son objectif principal. La deuxième partie de l’ouvrage, consacrée au thème de la vengeance, offre d’ailleurs le salutaire exutoire de rigueur en pareilles circonstances, car Lady Godiva y revient d’entre les morts pour un « Et on tuera tous les affreux » pétulant et inventif. En effet, transcendant son sujet, l’auteur convoque en un feu d’artifice réjouissant tout un bestiaire bigarré de créatures mutantes donnant à son récit une couleur fantastique bienvenue.
Voilà donc deux récits passionnants de bout en bout, à la fois différents et complémentaires, qui prouvent une nouvelle fois l’extraordinaire vitalité du catalogue de Robert Darvel. Reste à espérer que ce cover to cover en appellera d’autres, car le format du fascicule – équivalent, non pas à une longue nouvelle, mais à un court roman – se prête à merveille à cet exercice. Dans l’immédiat, si vous avez aimé Garbage Rampage, mais aussi la trilogie de la vengeance de l’excellent Park Chan-Wook, je ne saurais trop vous conseiller de découvrir les sanglantes odyssées du nain Nelson et de la prostituée mutilée Lady Godiva. Chez TRASH tout comme au Carnoplaste, les minorités sont bien représentées et, qu’on se le dise, elles ne sont pas venues pour gonfler les quotas ou faire de la figuration !
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