Le projet Bleiberg - David S. Khara

Publié le par Léonox

 

Il était une fois… Le projet Bleiberg, de David S. Khara.

 

Innombrables sont les journalistes, chroniqueurs, bloggeurs et autres lecteurs à avoir signifié ces trois dernières années tout le bien qu’il faut penser des romans de David S. Khara. Cependant, selon le mot célèbre de Louis de Bonald : « Entre l’inconvénient de se répéter et celui de n’être pas entendu, il n’y a pas à balancer ». Surtout quand se profile l’opportunité d’évoquer un écrivain capable de passer avec autant d’aisance de la « petite » à la grande histoire, et du très bon à l’excellent en l’espace de trois livres… Car Le projet Bleiberg, après avoir déclenché une véritable tempête médiatique, est devenu depuis lors le premier volume d’une trilogie massivement plébiscitée.

Mais ne brûlons pas les étapes et commençons par le commencement de ce qui s’apparente étrangement à… un conte de fées ! Alors certes, ce conte n’est pas ordinaire. Ici nous avons des fées à tendance « carabine », le loup se prononce « Werwolf », le prince charmant est agent du Mossad et ce ne sont pas les grand-mères qui ont de grandes dents… Au temps pour les amateurs de Fantasy : la notion de conte ne se trouve pas en l’occurrence dans les causes, mais bien dans les conséquences d’une incroyable « success story ». Et même si « l’étrange lucarne » a un rôle - que je m’efforcerai plus loin de minimiser - dans l’aventure sans pareille d’un certain… David S. Khara, force est de constater que le fameux « quart d’heure de gloire » Warholien dure maintenant depuis bientôt quatre ans.

Le projet Bleiberg paraît à l’automne 2010, doté d’un tirage raisonné de mille exemplaires par la jeune maison d’édition rennaise Critic. Trois mois plus tard, 20 000 lecteurs/soldats sont tombés au champ d’honneur, frappés de plein fouet par ce qu’il faut bien qualifier de « bombe » ! Pourquoi ce succès foudroyant ? David S. Khara l’attribue principalement à la critique il est vrai très élogieuse qu’en a fait le chroniqueur littéraire Gérard Collard lors d’une émission sur France 5. C’est en partie vrai. Pour vendre des livres aujourd’hui, il faut passer à (par) la télévision. C’est absurde mais c’est ainsi mais ça n’explique pas tout et tant mieux.

Car le carton « Bleiberg » s’explique aussi et surtout par sa valeur intrinsèque, sans laquelle aucun bouche à oreille ne serait survenu. Gérard Collard n’a fait que lancer une boule de neige, alors que des dizaines d’inconnus déclenchaient dans le même temps l’avalanche en inondant tous les « réseaux sociaux » d’une information capitale : un véritable referendum d’initiative populaire spontané venait d’élire envers et contre tous les prix « officiels » un roman policier mutant écrit par un quasi-inconnu !

Voilà pour le conte de fées, car Le projet Bleiberg ne se passe pas à Brocéliande, et ses références au « Matin des magiciens » sont d’une toute autre nature. Alternant les séquences passé/présent de façon toujours lisible, le récit présente un trio de personnages aussi hétérogène qu’attachant aux prises avec une conspiration dont l’origine se trouve tapie au cœur des heures les plus sombres de notre histoire contemporaine. Optant pour une construction ultra dynamique dopée aux scènes d’action judicieusement découpées, David S. Khara fait merveille et emporte l’adhésion lors de séquences de flashbacks qui viennent étoffer la trame principale en lui donnant un véritable supplément d’âme.

Le chapitre consacré au ghetto de Varsovie est à cet égard un modèle de pudeur et de sensibilité : impossible de ne pas sentir ses tripes se nouer face au terrible destin de ces enfants polonais livrés à eux-mêmes dans « un endroit que les adultes nomment Enfer »… Quant à ce que découvriront Jeremy Novacek, trader accablé par le destin, Jacqueline Walls, agent de la CIA chargée de le protéger et Eytan Morgenstern, impressionnant super-soldat aux facultés très au-dessus de la normale, ce roman (d)étonnant révèlera lors de passages richement documentés, ainsi que lors d’une conclusion « aux frontières du réel » ce qui se cachait derrière les pseudo-recherches nazies…

Chacun s’accorde à louer le talent de David S. Khara pour son machiavélique sens du suspense, la précision ciselée de ses intrigues, l’exemplaire efficacité de ses dialogues, son approche cinématographique et chorégraphique de l’action, mais cela revient presque désormais à enfoncer des portes ouvertes. La patte « David S. Khara », c’est en effet tout cela à la fois, mais c’est aussi et surtout une incroyable et bouleversante capacité à projeter sur l’écran noir de nos rétines une mosaïque de destins croisés plongés dans la tourmente. Là est le cœur du Projet Bleiberg. Car que ce soit dans la Pologne de 1943 ou dans le New York contemporain, ne nous y trompons pas, il est ici question de résistance. Et c’est magnifique.

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L
Merci m'sieur. :)<br /> J'aime beaucoup "Le projet Shiro" aussi, pour des raisons personnelles autant que pour ses qualités propres, mais j'aurais bien du mal à choisir entre les trois...<br /> Ainsi que le prouveront mes chroniques des deux autres opus de la trilogie. To be continued...<br /> <br /> Et merci pour ton passage ! ;)
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J
Excellente critique. <br /> Personnellement, si j'aime beaucoup la trilogie, j'ai une petite préférence pour le deuxième.
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