On sent déjà souffler les vents du paradis - Bernie Bonvoisin

Publié le par Zaroff

 

Honte à moi ! Je suis un fidèle de TRUST, un accroc des Démons de Jésus et ses dialogues ravageurs... et je ne savais même pas que Bernie Bonvoisin, le chanteur engagé et charismatique de TRUST, écrivait. Ce recueil édité chez Pocket en 2011 a la bonne idée de regrouper trois romans de Bernie dont la trame principale est l'aveuglement occidental face à la barbarie ordinaire. Trois destins pour un seul enfer : Srebrenica, Beyrouth et Tchétchénie. La préface porte le titre de ce bouquin, préambule d'une triste humanité.

On sent déjà souffler les vents du paradis est un court prologue-pamphlet dont le constat — d'une société qui s'égare depuis le début de ce millénaire — est amer. "Nous avançons souillés, sous des ciels limpides." Et que laissons-nous ? Un demi-siècle de mort et de désolation, riches et pauvres, violences étatiques, ère atomique, colonialisme, révolutions, terrorisme, communisme, capitalisme, guerre froide, spiritualité, démocratie, pays émergents, religion, argent et crise financière. Bernie ne perd rien de son mordant pour balancer des vacheries sur ce qui consume l'homme depuis des siècles. Qu'importe le côté où l'on se trouve, la guerre et l'oppression sont devenues des concepts.

Chaque homme à la capacité d'être un bourreau ou... au moins son complice relate les massacres ethniques dans l'enclave bosniaque de Srebrenica par les troupes serbes du général Mladic en juillet 1995. Bonvoisin confronte deux univers en décrivant le quotidien de Max (agent immobilier pour appartements luxueux à Paris) et Nehrudin, jeune musulman de quinze ans pris dans la rafle serbe. Les loups de Drina commencent leurs exactions sous les yeux de l'ONU qui ne bronche pas. L'auteur parvient à transcrire des scènes intenses, cruelles et terriblement difficiles. En parallèle, le quotidien de Max — se plaignant d'un bus non climatisé — nous semble sordide, pitoyable et abject. Et pourtant, c'est notre quotidien civilisé européen. Ce récit vous laisse des traces indélébiles dans le cœur et dans l'âme. Mais que pouvons-nous faire sinon bâiller et regarder ailleurs ?

Du pays des larmes au pays du sang est traité de façon identique mais l'intrigue est plus haletante. Entre Beyrouth Ouest et Beyrouth Est, les combats font rage parmi les milices et partis religieux. Cette mince frontière est surnommée La ligne Verte par les combattants. Roland, un chef respecté et craint, perd son fils unique Joseph, retrouvé mort dans une décharge et découpé à la hache. Puis nous suivons John, un richissime marchand d'armes sans scrupules qui marie son fils. Quel est le lien entre ces deux hommes ? La vengeance de Roland sera planifiée et brutale.

Le bel enfer nous plonge dans l'enfer tchétchène par les yeux d'une photographe dont la sœur tient une agence de communication. Leurs deux caractères sont opposés à l'extrême. Carol est vaniteuse, imbue d'elle-même et méprise ouvertement le monde qui l'entoure tandis que Tessa s'efforce de photographier la barbarie qui se déroule sous ses yeux. Une guide qui l'accompagne dans les ruines de Grozny se fait sauter à la grenade devant des russes souriants, fusillades, pendaisons, corps calcinés, viols sont le quotidien des civils tandis que Carol pense que sa sœur se la coule douce dans des bars pour reporters.

On peut penser que les trois thèmes se ressemblent au niveau du style et de l'ambiance car Bonvoisin traite ces trois univers avec une construction identique, notamment la reprise de la dernière action d'un chapitre pour la relancer sur le début du chapitre suivant. Néanmoins, j'ai été emporté par la nervosité de l'auteur qui retranscrit aisément la brutalité des scènes par des phrases courtes mais judicieuses dans les effets rendus. Un bouquin à découvrir en tout cas.

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